Un tsunami médiatique. C’est – sans surprise – ce qu’a suscité l’étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Zurich et mandatée par l’Eglise catholique suisse. Parue en septembre dernier, elle analyse les documents mentionnant les abus sexuels commis dans l’environnement de l’institution depuis le milieu du siècle dernier. Le travail est inédit. «C’est la première fois que l’Eglise catholique ouvre ses archives et qu’elle est prise en compte dans son ensemble, dans toutes les régions linguistiques et l’ensemble des communautés rattachées à l’Eglise», rappelle Lorraine Odier, membre de l’équipe qui a produit le rapport.

Pourtant, des critiques n’ont pas tardé à émerger: pourquoi n’avoir étudié que des documents? Pourquoi un nombre si infime de cas (1002 sont cités)? La faute au tsunami, qui a parfois éclipsé quelques détails: «Ce qui n’a pas toujours été clair pour le grand public, c’est qu’il s’agit d’une étude pilote, qui prépare une analyse plus large. Et les 1002 cas sont des situations dont les autorités ecclésiales ont été informées et dont nous avons retrouvé la trace. Il ne s’agit pas du nombre total de victimes, tout cela doit être approfondi et le sera», précise Lorraine Odier. Les chercheur·euses ont plusieurs fois répété que ce chiffre n’était que «la pointe de l’iceberg». Comment aller de l’avant?

Des phénomènes à explorer

Pour l’équipe de recherche, cette première analyse des sources a permis de poser quelques «jalons», qui seront explorés lors de la deuxième étape de l’étude qui débutera en janvier 2024: «la morale sexuelle catholique très spécifique, qui crée un tabou sur toutes les dimensions des sexualités; le caractère sacré du prêtre; le pouvoir de l’Eglise sur les plans économique, politique, institutionnel dans les cantons catholiques; son rôle dans les internats scolaires et foyers d’enfants; le souci de l’Eglise de défendre son image dans un contexte de perte de légitimité. Il s’agira de comprendre comment ces aspects se traduisent dans le contexte suisse, comment ils ont varié d’un diocèse à l’autre», détaille Lorraine Odier. «Lorsque le travail d’approfondissement commencera, nous récolterons davantage de témoignages. Certains nous parviennent déjà via l’adresse mise en place (recherche-abus@hist.uzh.ch), et nous […]