En dehors des grandes structures hospitalières, qui ont les moyens d’avoir des aumôniers professionnels à plein temps rémunérés, il y a aussi beaucoup de petits et moyens hôpitaux qui fonctionnent autrement. Ce sont souvent des gens bénévoles, qui ont une activité professionnelle (ou employés à temps partiel, très partiel), qui assurent l’aumônerie. Par Lorius Bruny et Cathy Pees

Aujourd’hui nous suivons l’équipe de l’hôpital de Pau qui nous a fait parvenir ce témoignage très intéressant, vivant, et émouvant sur la pratique de la visite hospitalière.

Une toute petite équipe

Notre aumônerie est une petite équipe composée de deux personnes pour l’instant : Lorius Bruny, aumônier, et Cathy Pees, auxiliaire d’aumônerie. Nous espérons que d’autres viendront agrandir notre effectif prochainement.

Le contact avec l’équipe soignante est fondamental

Le début de nos visites hebdomadaires se résume à un rituel : aller voir, avant tout, les personnels soignants afin qu’ils nous disent dans quelle chambre notre visite est souhaitée et souhaitable. Quand nous rentrons dans une chambre, nous gardons toujours à l’esprit qu’il s’agit d’un être humain qui va rencontrer un autre être humain, nous ne mettons pas l’aspect religieux en premier.

Une fois, nous avons rendu visite à un monsieur en fin de vie ; certains membres de la famille étaient là et c’était une chance. Nous avons partagé un moment en discutant. En fonction de l ’attente de la personne et de sa famille, on peut prendre un temps de prière ou pas. Dans ce cas-ci, une présence spirituelle ne les dérange pas, bien au contraire. Notre mission est avant tout d’annoncer l’Évangile autrement, or des murs de notre Église.

Parfois, les personnels soignants nous indiquent que nous pouvons nous-mêmes aller voir les malades dans les chambres.

Alors, qu’est-ce qui va nous décider à entrer dans une chambre plutôt que dans une autre ? Un regard triste et absent ? Un coussin qui glisse et qui tombe par terre ? Fin mars, nous faisons la connaissance d’un patient, hospitalisé dans une annexe gériatrique de l’hôpital de Pau. Les conditions ne sont pas optimales : les aérosols et une surdité importante rendent le contact difficile.

Nous lui disons que nous faisons partie de l’aumônerie protestante.

Pouvoir poser un regard sur sa vie grâce à la présence des aumôniers

« Aucune importance, vous êtes chrétiens », nous répond-il. Le patient nous parle de son dur métier d’éleveur de brebis, de sa famille et surtout de sa tristesse de constater qu’après son fils, personne ne prendra la succession de la ferme familiale.

Il peste un peu contre les nombreux examens qu’il doit subir et contre « cette grande fatigue » qui l’épuise. Un moment de vrai partage, où humour et gravité s’entremêlent. Le lundi suivant, sur sa demande, nous sommes accueillis par un sourire chaleureux. Moins oppressé, il s’inquiète des prises de sang quotidiennes.

Il souhaite retourner rapidement chez lui, se « débrouiller avec l’aide-familiale », mais ajoute-t-il, « ce sera peut-être autre chose… (silence)… un cercueil ? »

Nous lui disons que nous sommes là pour l’accompagner au niveau spirituel, religieux, voire social, pour aborder avec lui ce qu’il craint ou redoute, mais que ce sera uniquement à sa demande.

Nous partageons un moment ludique en lui montrant une vidéo sur l’activité d’un berger en montagne. Le patient est captivé par l’écran. La richesse des commentaires nous laisse bouche bée. Nous avons droit à l’analyse du travail des trois chiens, de l’environnement végétal, de l’état sanitaire du troupeau.

Le patient revit, commente avec verve, en professionnel.

Il nous laisse partir à regret : « À lundi prochain ! »

Tisser des relations fortes

À partir de la troisième visite, le patient nous accueille comme des amis.

Son fils, soixante ans, est venu le voir. Les examens sont achevés, et le traitement a commencé ce matin. Il ne veut pas connaître la nature de son mal, mais dit respecter rigoureusement toutes les prescriptions. L’ennui, c’est toujours cette grosse fatigue qui perdure.

On lui demande s’il connaît le chef des médecins. Il nous dit : « Non, il est ici ? » Du doigt, l’auxiliaire d’aumônerie pointe le plafond. Il rit et répond « Je le connais, je lui parle quelquefois, oui ! »

Nous nous quittons au son du psaume 120 (Seigneur mon secours) sur YouTube que nous abrégeons, car nous le sentons très fatigué, mais également très ému.

18 avril, lundi de Pâques. Ni visite, ni coup de téléphone. Le patient n’exprime pas sa déception, invoque les impératifs d’un métier exigeant, mais nous le sentons triste et peiné. En revanche, deux voisins, que l’auxiliaire d’aumônerie connaît, l’ont visité.

Le personnel l’a installé sur un fauteuil : moins oppressé, il respire mieux et l’échange est plus dynamique. Il dit avoir une bonne journée et vouloir profiter de l’instant présent, car « demain sera sans doute différent » mais nous explique clairement qu’il n’a pas envie d’aborder le domaine spirituel, ou même celui d’une fin de vie, ce que nous respectons.

L’état physique s’est délabré, le patient est couvert d’œdèmes. Notre conversation porte sur les connaissances communes, sur des souvenirs relationnels qui ont tissé sa vie avec elles.

En sortant du centre, nous avons un étrange ressenti : c’est peut-être la dernière fois qu’il est dans cet état de grâce, où le temps reste suspendu…

Le personnel soignant, un relais indispensable

Contact avec l’infirmière, une personnalité solaire, mascotte des malades, qui nous annonce que le patient n’est pas très entouré familialement, n’a pas récupéré de la Covid, a une nécrose du poumon et se trouve en fin de vie.