Pour Jean-Paul Sanfourche, « en relativisant la vérité scientifique, en déconstruisant toute idée rationnelle», le post-modernisme de la French Theory, s’il n’était «pas un obscurantisme », en a été « le terreau, aujourd’hui bien cultivé ».
Un canular prémonitoire
Tout le monde se souvient de l’affaire Sokal. En 1996, ce physicien américain a soutenu dans une revue d’obédience post-moderne (Social Text), vraisemblablement à comité scientifique de lecture, que la théorie quantique avait des implications politiques progressistes. L’article indiquait que les concepts «New Age» du «champ morphogénétique» pourraient être une théorie de pointe en gravité quantique et concluait que puisque la réalité «physique (…) est à la base une construction sociale et linguistiqu», alors «une science libératrice» et «des mathématiques émancipatrices» devraient être développées afin d’abandonner «les canons de la caste d’élites de la science dure» au profit d’«une science post-moderne [qui] offre le puissant appui intellectuel au projet de politique progressiste» (1). Dès la parution de cet article volontairement saturé de non-sens et de concepts scientifiques fantaisistes, Sokal révèle la supercherie. Ce canular est prémonitoire. Il annonce l’ère dans laquelle nous sommes. Si le ridicule ne tue pas, il n’est pas non plus porteur de leçons ! Ce fut une sorte d’alerte vaine contre un post-modernisme qui, un quart de siècle plus tard, devient de plus en plus menaçant et destructeur tant il gagne de terrain. Celle où les préconceptions idéologiques peuvent asservir la science et l’instrumentaliser au profit de systèmes politiques ou au bénéfice de fondations à but lucratif (philanthrocapitalisme).
« La science est déloyale »
Force est de constater que la frontière entre sciences et pseudo-sciences est parfois volontairement brouillée par une influence accrue des théories du complot, amplifiée par les réseaux sociaux, véritables conspirations contre la vérité. Karl Popper avec sa théorie bien connue de la réfutabilité fut un des premiers à combattre ces tentatives de falsifications scientifiques (2): «Une théorie qui n’est réfutable par aucun événement qui se puisse concevoir est dépourvue de caractère scientifique». Mais la confusion entretenue entre réfutable et réfuté délégitime trop souvent le discours scientifique rigoureux et efface ce qui distingue sciences et pseudo-sciences. L’image des scientifiques est ainsi dégradée aux yeux du grand public.
En créant très récemment «Évidences» (3), un think tank «dédié à la science dans la société», la professeure Agnès Buzyn rappelle que «la science est déloyale» (4), c’est-à-dire qu’elle ne répond à aucune idéologie, qu’elle ne peut être […]