Jean-Luc Gadreau : Dans l’Église catholique, la Toussaint, c’est la fête de tous les saints, c’est-à-dire de tous les croyants, non seulement ceux qui sont morts mais aussi les vivants. Finalement, c’est une fête plutôt joyeuse et tournée vers la vie et ce n’est que le lendemain, le 2 novembre (toujours pour les catholiques), que l’on a créé un jour de mémoire des défunts. Cela m’intéressait de traiter le rapport entre vie et mort et c’est pourquoi j’ai choisi d’inviter Annick Vanderlinden, aumônier protestant aux hôpitaux universitaires de Strasbourg. En vous recevant, Annick Vanderlinden, c’est un grand et beau voyage qui nous est proposé car vous êtes de nationalité suisse et belge, vous êtes née à Londres et vous travaillez à Strasbourg!

Annick Vanderlinden : Effectivement, je suis née à Londres – mon père était pasteur à l’Église française à Londres – puis mes parents sont partis en Suisse. J’ai grandi en Suisse, j’y ai fait toutes mes années scolaires ainsi qu’à la Faculté de théologie protestante à Genève, puis j’ai fait un peu de philosophie à Strasbourg. Enfin, je suis revenue en Suisse, à Neuchâtel, où j’ai habité quelques années avant de repartir pour Strasbourg à partir de 2009.

Comment Dieu nous voit

Jean-Luc Gadreau : On le comprend, vous avez fait d’assez longues études qui vous ont permis d’être titulaire d’un doctorat en théologie pratique et en philosophie de la religion. D’ailleurs, personnellement, je trouve passionnant votre sujet de thèse sur la question du regard (1). Est-ce que vous pouvez nous en dire quelques mots, même si ce n’est pas la thématique de l’émission à proprement parler?

Annick Vanderlinden: Mon travail partait d’une question que je me suis souvent posée et qui est peut-être liée à une éducation chrétienne, à ces représentations où l’on dit volontiers que Dieu nous voit. Je m’étais posée la question de comment comprendre ce regard de Dieu qui est posé sur les êtres humains. On le trouve d’ailleurs dans des mentions bibliques où plusieurs expressions mentionnent ce regard de Dieu.

Jean-Luc Gadreau : On le voit aussi dans la peinture, très souvent.

Annick Vanderlinden : Absolument. En tout cas dans l’iconographie chrétienne. C’est un peu différent dans les autres traditions et, du coup, je me suis demandée comment est-ce qu’on pouvait comprendre cette expression aujourd’hui, à une époque où, finalement, l’accent est beaucoup placé sur la visibilité et sur le fait qu’on vive les uns sous le regard des autres. Dans le cadre de ma thèse, j’ai effectivement mené une réflexion à la fois en philosophie de la religion – en […]