Jean-Luc Gadreau: Nous recevons Isabelle Lévy, une écrivaine qui vient de publier Être père dans le judaïsme, le christianisme et l’islam. Isabelle Lévy, avant de vous donner la parole, voici quelques réflexions de notre chroniqueuse Léa Rychen autour de cette thématique de la paternité.

Donner son nom

Léa Rychen: Écrire une chronique sur la paternité, vous en conviendrez, c’est vraiment s’attaquer à un petit sujet, un micro sujet de rien du tout, tout à fait simple à cerner et à boucler en trois minutes montre en main! La paternité, c’est quoi? C’est une réalité biologique, d’abord. Juridique, ensuite et, bien sûr, c’est une réalité profondément existentielle. Et qui dit question existentielle dit question passionnante ou, en tout cas, qui me passionne, moi. Parce que c’est toujours bien, en tant qu’être humain, pour savoir où l’on va de savoir d’où l’on vient.

La paternité c’est ce qui nous donne notre identité pour le meilleur et pour le pire et quels que soient les émotions, l’affect ou le ressentiment que le terme père peut déclencher chez nous.
Pour commencer, c’est celui qui nous donne notre nom. Dans le droit français, pour la grande majorité des cas, l’enfant qui naît prendra le nom de famille du père. Ailleurs dans le monde c’est parfois le prénom du père qui deviendra le nom de famille de l’enfant. Oui, c’est ce que m’ont expliqué une amie égyptienne et un autre ami indien. Je me souviens aussi de mes cours de russe: j’y avais appris qu’en Russie, en plus du prénom et du nom de famille, on rajoute sur les documents officiels le patronyme, c’est-à-dire le prénom du père auquel on ajoute -ovitch ou -evitch pour les hommes et -ovna ou -evna pour les femmes. Ça veut dire que si j’étais née Russe je m’appellerais Léa Gillesevna et je trouve ça plutôt mignon, mais là n’est pas la question. Ce n’est évidemment pas un cours sur l’histoire et l’interculturalité, je voulais simplement rappeler que notre identité est indéniablement liée à cette notion de paternité. Or, la paternité, nous dit le dictionnaire, c’est le fait d’être père. En revanche, ce que ne nous dit pas le dictionnaire, c’est comment on le devient, père, et comment la paternité se vit le mieux possible d’un côté comme de l’autre de la filiation, au-delà du biologique et du juridique, dans l’existentiel. Comme le disait Stromae, «Tout le monde sait comment on fait des bébés mais personne ne sait comment on fait des papas». Et pourtant, c’est diablement plus intéressant parce que ça nous touche tous directement. Il y a bien un demi-milliard de raisons qui pourraient […]