Une adolescence chaotique conduit Marie-Christine Carayol tout droit sur les bancs d’une école du social. Étudiante passionnée, elle s’engage auprès des plus démunis dans des associations de quartier, « j’avais vécu dans des conditions précaires, j’avais une attirance pour ce public ».

Très vite, la jeune conseillère en économie sociale et familiale tisse de vrais liens de proximité avec les femmes qu’elle accompagne sur le chemin de l’émancipation. Cinq ans plus tard, nous sommes en 2007, Marie-Christine Carayol décide de créer sa propre association. PAR ENchantement propose des aides à la parentalité dans un quartier de Strasbourg, ouvre une crèche d’insertion et offre aux mamans une formation au CAP Petite Enfance. Certaines bénéficiaires deviennent travailleuses sociales, d’autres conseillères municipales. En 2012, l’association compte dix-huit salariés et quatre-vingts bénévoles.

Marie-Christine, invitée par les instances nationales à dévoiler sa méthode, est sur tous les fronts. Certes, le succès est au rendez-vous, mais les conflits sont légion avec les partenaires historiques et la concurrence est rude dans la course aux subventions. La jeune femme s’épuise et passe la main en 2017. PAR ENchantement est aujourd’hui un centre social ; il emploie trente-deux salariés et mobilise une centaine de bénévoles. Marie-Christine Carayol se forme et devient intervenante en thérapie sociale. Ils sont une cinquantaine en France à secourir les équipes en difficulté pour (re)construire la confiance et gérer les conflits. Une confiance « indispensable pour instaurer un dialogue d’égal à égal et trouver des solutions aux problématiques ». Une confiance qui ne se décrète pas mais se cultive.

La quadra intervient dans les structures sociales ou médico-sociales et les collectivités qui la sollicitent. Au conseil départemental, pour les villes de Strasbourg ou Mulhouse, au Furet petite enfance, à l’ESPS1 de Mulhouse et Dijon, au Bercail, à La Cimade, à l’hôpital de Mulhouse… On apprécie son professionnalisme, sa posture bienveillante et ses « qualités de communicante pour faire émerger une parole authentique de façon sereine, trouver des pistes concrètes d’amélioration, et redonner un élan positif et constructif 2 ».

Depuis 2020, elle s’intéresse aussi à la dynamique de gouvernance dans l’Église ; il y a un abîme entre les attentes des responsables et celles des membres. Avec des pasteurs de dénominations différentes, elle travaille sur la coopération 3 . Marie-Christine aide les équipes et les dirigeants à analyser leurs interactions. « Il ne faut pas rester dans une lecture de cause à effet. Souvent, la responsabilité est imputée à une personne, au système, à la structure. Mais c’est ce qui se passe dans les interactions qui favorise les jeux de pouvoir, les incertitudes, les malentendus, la victimisation, l’implicite qui est attendu mais n’a jamais été verbalisé. » Cartes, jeux de mots, photolangage, mises en situation… l’objectif demeure d’aller dans la même direction, de retrouver le sens, « on confond souvent les moyens et les résultats, les gens ne savent plus ce qu’ils font ni pourquoi ils le font ». Dans les rencontres, la dimension spirituelle surgit fréquemment qui fait écho aux valeurs protestantes de Marie-Christine.

Son défi ? Faire travailler ensemble des personnes motivées pour servir mais dont la conception de la spiritualité diffère absolument. Les amalgames sont fréquents et certaines questions récurrentes, comme la prière sur le lieu de travail, le témoignage de foi avec les usagers, ou encore le respect du droit du travail. « Ce n’est pas parce qu’on œuvre pour Dieu qu’on est corvéable à merci », souffle Marie-Christine Carayol.

1 École supérieure de praxis sociale.
2 Équipe d’hygiène du Groupement hospitalier régional Mulhouse Sud-Alsace
3 Marie-Christine Carayol, Coopérer sur la durée dans l’Église locale, Althérité, 2022.