On a vu apparaître, ces dernières années, des associations d’échange de savoirs, des services d’entraide locaux, des accorderies, etc. Le principe est que les participants se rendent des services les uns aux autres, chacun à tour de rôle ;  l’idée  est, au passage, de renouer des liens sociaux de proximité.

Les uns aidaient les autres plus qu’on ne s’aidait les uns les autres

Ce fonctionnement met en évidence un point aveugle des entraides d’Église : elles ont souvent regroupé des personnes généreuses, prêtes à donner beaucoup de leur temps, mais dont l’aide allait pratiquement toujours dans un seul sens. Les uns aidaient les autres, plus que l’on ne s’aidait les uns les autres. Une conséquence de cette dissymétrie est que l’on ne s’est guère posé la question de la forme sociale qui émergeait de ces entraides. Ceux qui mettaient en œuvre une action travaillaient ensemble, parfois sans trop y penser, jusqu’au moment où des conflits surgissaient.

Dans les associations d’un type nouveau, qui ont vu le jour dans nos villages et nos quartiers, il y a toujours un bureau, des animateurs et certains bénévoles qui sont plus engagés que les autres. Mais le fait de se donner pour but de constituer un réseau, dans lequel le maximum de personnes trouve leur place, change la donne. On ne se focalise plus seulement sur la matérialité du service rendu, mais aussi sur le rôle que chacun peut jouer, sur ce que chacun peut recevoir en donnant.

Le clivage entre le diaconat et les paroisses est classique

Porter attention au type de réseau social qui émerge d’une action diaconale donne des outils pour aborder une question classique : celle du clivage entre les diaconats et les paroisses. On constate souvent que les personnes actives d’un côté le sont peu de l’autre et que les deux groupes se côtoient sans profiter de leurs habiletés respectives. Une des difficultés provient du fait qu’ils fonctionnent sur des registres sociaux différents. Les communautés protestantes n’ont pas toujours vécu le sacerdoce universel dans toute son ampleur, mais elles sont conscientes que l’Église est un corps fait d’échanges et de réciprocité. À l’inverse, les diaconats sont souvent constitués de volontaires qui s’engagent à titre individuel et ne s’imaginent pas former un corps, ou un réseau, dont les relations ont du sens.

Si réinvention des entraides il doit y avoir, elle passe sans doute par cette prise de conscience : il n’existe pas de dichotomie entre la spiritualité d’un côté et les échanges de biens ou de services de l’autre.

En réalité, toute action pose la question de son sens, de la manière dont elle nous lie aux autres, de la souffrance que l’on éprouve, de la frustration que l’on rencontre en mettant en œuvre un projet, de ce que l’on reçoit des autres et, ultimement, de la construction sociale de la grâce. Elle est l’aboutissement de la grâce que Dieu nous a faite, individuellement et collectivement.

Dès lors que ces questions sont prises en considération dans une vie d’Église ordinaire et dans un réseau d’entraide, il est plus facile de construire des ponts entre les deux entités : chacun peut passer d’un cercle à l’autre, construire des fécondations croisées, envisager la vie de foi comme un continuum où ce qui fait le sens de notre existence et l’appel auquel nous répondons obéissent à un motif unique.