(Re)sentir

Le mot est souvent galvaudé, les historiens ne l’aiment pas beaucoup. Mais on pouvait sentir quelque chose d’historique dans cette rencontre. Des gens qui se rencontraient, qui s’approchaient les uns des autres dans une atmosphère de respect mutuel. Nous étions très bien accueillis, le café coulait à flots et les croissants crissaient sous les dents, entre rires et salutations.

Nous avons pris le temps de ressentir ce qui nous rassemble. En louant le Seigneur et en priant. Les Blancs étaient assez minoritaires. Comme dans l’Église mondiale en 2025. Il fallait le sentir pour de vrai.

Il y avait un risque : celui d’un peu trop vite décréter la réconciliation. Que la doctrine, si juste, du Nouveau Testament, soit cooptée pour passer sous silence les difficultés sous-jacentes de la discrimination et du racisme souvent persistants. Qu’ils soient dans la société, dans ou entre les Églises. Il fallait donc s’écouter.

Écouter

Autour de ma table, écouter cette sœur raconter qu’on lui avait proposé de « se trouver une Église haïtienne » ou un frère rapporter les plaintes entendues que dans son « groupe » les « amens » étaient trop forts.

Écouter justement ces pasteures et pasteurs venus pour l’occasion parce que c’était possible, jour férié obligeant. C’est que la plupart d’entre eux sont bivocationnels, ce que ne retiennent pas toujours les théologiens habitués des colloques en semaine. Entre un professeur de mathématique antillais et un entrepreneur du bâtiment égyptien, tous deux pasteurs, je me sentais tout petit.

Écouter des tables rondes si cordiales, parler de ce qui réjouit si souvent et de ce qui blesse pourtant encore aussi. Le prophétisme du multiculturel […]