Il n’y a guère plus « cliché » aujourd’hui que Tintin au Congo du dessinateur belge Hergé. Derrière la caricature et l’épopée africaine du jeune journaliste européen surgissent pourtant beaucoup d’enseignements, à commencer par ce rappel : l’essor des médias francophones outre-Mer est indissociable de la problématique coloniale. Les médias de langue française en Afrique ont en effet commencé à voir le jour sous la colonisation, qu’elle soit initiée de France ou de Belgique. Les Églises métropolitaines et leurs missionnaires ont porté ces médias sur les fonts baptismaux. C’est en particulier le cas du Congo RDC. Comme nous l’apprend une synthèse sociohistorique parue en 2013, ce sont les missionnaires catholiques « qui introduisent la radio au Congo belge en 1937 et qui procèdent aux premières expériences de télévision en 1963″(1).

Essor des protestantismes congolais

Avec la décolonisation et la diversification des partenaires, la République Démocratique du Congo a connu une transformation graduelle de son paysage audiovisuel, en miroir avec sa diversification confessionnelle. Aujourd’hui, l’hégémonie médiatique catholique n’est plus qu’un souvenir, même si l’Église catholique reste un acteur majeur et respecté de la scène télévisuelle et radiophonique du Congo RDC. L’expropriation de la structure médiatique catholique TéléStar par le régime de Mobutu Sese Seko, dans les années 1970, a tourné la page d’une époque révolue. Les cartes ont été rebattues.

Cette reconfiguration a été favorisée par l’essor des nouvelles Églises protestantes et la progression, à certains égards fulgurante, des Églises de Réveil. Fondées sur une économie des miracles assaisonnée de prophétisme, ces dernières sont-elles encore protestantes ? On peut en douter. Elles se réfèrent certes à la Bible plus qu’à une institution. Mais leur resacralisation de l’autorité de l’onction et leur spiritualité transactionnelle (« donnez à Dieu, Il vous donnera ») s’éloigne singulièrement du Sola Gratia de la Réforme protestante…. Il reste qu’elles sont en tous les cas issues du protestantisme, et en lien avec lui. Leur croissance démographique, jointe à une grande fluidité des appartenances (un même fidèle peut circuler entre Église presbytérienne, Église pentecôtiste et Église de Réveil) invite à leur prise en compte dans les nouvelles dynamiques protestantes francophones qui se déploient aujourd’hui, portées par la Révolution numérique.

« Plus de 30 millions de protestants » au Congo RDC ? 

Le Congo RDC peut être considéré comme le deuxième plus grand pays francophone du monde avec « plus de 30 millions de protestants »(2) selon la Fédération Protestante de France, qui y envoya une délégation entre le 28 janvier et le 5 février 2012 à l’invitation de l’Église du Christ au Congo (principale Église protestante).  A vrai dire, en l’absence de recensement précis, personne n’est certain des statistiques… Une chose est sûre: près de la moitié de la population du Congo RDC serait peu ou prou touchée par l’influence protestante. Et son paysage médiatique reflète aujourd’hui cette réalité confessionnelle, avec une multiplication de radios et chaînes numériques. Beaucoup se rattachent à un « ministère », et s’appuient sur une logique de clientèle autour d’une personnalité charismatique. C’est le cas de la chaîne ATV (Ministère Amen du pasteur Mutombo). D’autres assurent le rayonnement d’une assemblée et de son pasteur, comme la chaîne RTACK (Assemblée Chrétienne de Kinshasa du pasteur Mukuna). Toutes sont à la fois populaires et précaires, luttant pour suvrivre dans des conditions matérielles, politiques et sociales qui testent les formules de foi répétées sur les ondes et via les paraboles.

(1) CG.G. Elite Ipondo Elika, Sociographie de la télévision congolaise. Voyage au coeur du système télévisuel du Congo-Kinshasa, Paris L’Harmattan, 2014 (préface de Paul Okomba Wetshimambi) p.13.
(2) Communiqué de la Fédération Protestante de France (FPF), 27 janvier 2012.