Théologies, hymnes, liturgies, rapport au temps : dans les Eglises plurielles de ce XXIe siècle globalisé, la variété des offres est grande. A partir du cas de l’Eglise baptiste de l’Avenue du Maine, une étude conduite il y a 15 ans (restée inédite) donne des pistes de réflexion. Retour, dans ce premier volet, sur les réactions contrastées qui se sont manifestées face à l’enjeu de la diversité.

L’Église baptiste de l’Avenue du Maine a inauguré son lieu de culte à Paris en 1899. La sociographie de l’Église de l’Avenue du Maine est alors celle d’une population d’ouvriers et de classes moyennes de métropole, originaires de Paris, de ses faubourgs et du Grand Bassin Parisien, à l’image de la famille Vincent, originaire de l’Oise. Phénotype (couleur de peau) : blanc. Après une création tumultueuse, née d’une scission, l’Église baptiste de l’Avenue du Maine est peu à peu rentrée dans le rang baptiste, au travers d’une réintégration officielle dans l’Union baptiste, après quelques années de brouille. Elle est devenue, ensuite, une Église de référence au sein de la Fédération baptiste (FEEBF), l’un des trois grands réseaux baptistes français (avec l’AEEBLF et les baptistes indépendants).

L’évolution d’une paroisse parisienne

Comme l’a fait remarquer André Thobois, longtemps président de la FEEBF, mais aussi pasteur de cette Église, la « Fédération (baptiste) a été et reste l’un des grands champs d’activité de l’Église de l’Avenue du Maine. Au cours du XXe siècle, quinze de ses membres auront été ou sont membres du Conseil national de la FEEBF. La présidence de la Fédération a été assurée, durant 63 ans, par quatre pasteurs pendant leur ministère avenue du Maine »[1]. C’est énorme !

L’Église baptiste de l’Avenue du Maine a de fait revêtu la fonction de navire amiral de la Fédération baptiste en France (FEEBF). Au travers des successions pastorales, cette Église locale, au cœur de Paris, s’affirme comme la vitrine parisienne d’un baptisme français ouvert sur la Cité, vecteur d’élan missionnaire et outil de mise en réseau. « L’Avenue du Maine » en vient à former une image arrêtée, une image idéale.

Pourtant, la réalité de la communauté locale ne cesse d’évoluer. De se diversifier. Jusqu’à adopter, à l’entrée du XXIe siècle, un profil d’Église multiculturelle, à forte composante immigrée et ultramarine.

Une adaptation nécessaire des pasteurs

Arrivé durant l’été 2006, succédant au pasteur André Souchon, le pasteur Richard Gélin affirme qu’il n’était pas préparé à cette dimension multiculturelle. Lors d’un entretien donné en 2009, il explique avoir eu besoin de temps pour « décoder » les enjeux posés par la diversification démographique de son assemblée. Il raconte, en quelque sorte, une trajectoire d’acculturation… pastorale. Un cheminement vers une prise de conscience active et informée des enjeux de la diversité culturelle, que nombre de fidèles, d’ailleurs, reconnaissent. L’écho donné par Richard Gélin est emblématique des mutations sociographiques et culturelles de l’Église de l’Avenue du Maine depuis les années 1960.

On est passé d’un modèle bien établi, celui de l’assemblée protestante parisienne dominée par les métropolitains, « cœur de réseau » d’une fédération d’Églises métropolitaines, à un autre, celui de « l’Église afro-antillaise » du XXIe siècle.

Quelle prise en compte de la diversité ?

Or, cette transition, voire cette mutation, n’a pas été formalisée, n’a pas été prise en compte en amont, que ce soit par un stage de formation ou une mise à plat approfondie des réalités culturelles de la communauté. Arrivé en poste, le pasteur n’a pas été préalablement équipé pour y faire face.

Un questionnaire rempli par 58 pratiquants du culte dominical, tenu le dimanche 17 mai 2009, permet d’avoir une idée des réactions des fidèles. C’était il y a quinze ans. Les réponses seraient-elles les mêmes aujourd’hui, en 2024 ? De nouvelles enquêtes seraient les bienvenues !

Interrogés donc en 2009 sur l’opportunité de valoriser, ou non, la diversité culturelle dans l’Église, les fidèles répondaient alors de manière différenciée : les métropolitains étaient beaucoup plus nombreux que les afro-descendants / ultramarins à souhaiter ignorer la diversité culturelle (cf. illustration).

Dans les réponses qualitatives données, plusieurs échos évoquent des difficultés. « Des Français métropolitains, pour ne pas dire blancs, sont presque tous partis de l’Église » (répondant n°47). « Nous aimerions bien que nos traditions restent car les traditions des autres subsistent. Le culte doit se faire en français car l’église est à Paris. Les chants aussi, sinon ils doivent être préalablement traduits » (répondant n°48).

Quant au répondant n°50, il estime au contraire qu’il n’y a pas assez de prise en compte de la diversité : « Dans l’Église de l’avenue du Maine, il y a effectivement une très grande diversité culturelle. Elle ne me semble pas prise en compte à mon avis, pour 3 raisons :

  • 1/ La question n’a peut-être pas été soulevée et étudiée
  • 2/ Les moyens à mettre en œuvre pour exprimer cette diversité n’ont pas été pensés
  • 3/ Les personnes « issues » de la diversité ne savent peut-être pas non plus comment l’exprimer et préfèrent se « fondre dans le moule » (répondant n°50).

En définitive, un rapport différencié à la diversité se dessine, d’après les réponses données dans les questionnaires. On a plus tendance, quand on est Blanc – majoritaire en France – à ignorer la demande de respect de diversité.

Comme si le fait majoritaire tendait à invisibiliser dans l’Église la différence minoritaire. Au risque de cultiver des impensés racistes qui s’ignorent ? A suivre.


[1] André Thobois, Cent ans de l’Église, 1899-1999, Église évangélique baptiste de Paris Avenue du Maine, Paris, Croire et Servir Publications, 1999, p.47.

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