Derrière l’appellation générique « Églises de Réveil », la réalité empirique révèle de très nombreuses situations singulières. Avec une aspiration commune à évangéliser, et une inspiration plutôt de type pentecôtiste et charismatique. Illustration avec la jeune Église Rehoboth de Cocody (Abidjan, Côte d’Ivoire), au travers de cet interview du 13 décembre 2022 avec l’évêque-pasteur, Samuel Addé.
Samuel Addé, pouvez-vous vous présenter ?
Je suis l’évêque et pasteur Samuel Addé, à la tête de cette mission, de l’Église Rehoboth à Abidjan. Je me définis comme chrétien, pentecôtiste, charismatique. Je suis converti à Jésus-Christ depuis dès l’âge de 15 ans, sous l’effet de la Ligue de la Lecture de la Bible. Depuis, j’ai milité au sein de ce groupe, et j’ai ressenti l’appel de Dieu trois ans plus tard. Je commençais mes études à l’université, et là, ce fut un appel pressant du Seigneur de tout laisser. J’ai alors suivi une formation pastorale de 2001 à 2003, puis j’ai intégré une église, l’église protestante missionnaire, l’EPM, là, je vais tout apprendre, et être consacré pasteur.
Comment s’est concrétisé votre projet d’Église à Abidjan ?
C’est en 2013 que le Seigneur m’a donné la vision de l’Église Rehoboth. Cette vision est tirée de la Bible, du livre de Genèse 26. Avec ce verset : « l’Éternel nous a maintenant mis au large, et nous prospérerons dans le pays ». Nous croyons que Dieu « nous met au large ». Nous avons notre siège ici (boulevard des Martyrs, Cocody, Abidjan, ndlr) mais nous avons aussi d’autres implantations : une dans la commune de Yopougon, et une branche à Paris, à Créteil, de 30 personnes pour l’instant. Nous formons des pasteurs et avons la vision de développer un réseau d’églises. Nous travaillons particulièrement sur trois axes : d’abord, la libération de la destinée, du péché, des démons; ensuite, former des disciples, avec l’importance de l’enseignement. Enfin, servir Dieu avec joie, avec gaîté. Car la joie est une marque de la présence de Dieu, et elle nous fait du bien.
Votre église est récente, mais a déjà une implantation internationale…
Entre Paris et Abidjan, ça se passe bien. Circuler et partager n’est pas un problème. Le terrain n’est pas facile, il y a bcp de faux, même parmi les églises, mais aussi du bon, ce qui explique la croissance. En Afrique, en Côte d’Ivoire, nous faisons face tous les jours au défi de la pauvreté, et une grande jeunesse galopante. Dans nos Églises, nous avons 80% de jeunes, beaucoup de vie, c’est bouillant, le défi, c’est de les encadrer, de les aider à s’insérer dans la société, de leur donner confiance ainsi que des opportunités. On les aide pour leur orientation, les bien-aimés qui ont du travail aident les autres à en trouver. Dans notre église ici à Cocody, nous avons en moyenne 150, parfois 200 personnes, on travaille la croissance mais aussi l’accompagnement et l’encadrement des fidèles.
Comment situez-vous votre église dans l’histoire ivoirienne postcoloniale ?
Après les années 1960, les églises issues de la colonisation en Côte d’Ivoire, qui ont fait un bon travail, se sont retrouvées un peu limitées. Le contexte dans lequel on vit en Afrique…, elles ne répondaient pas complètement aux questions de la population. Alors Dieu a soufflé un vent avec de nouvelles Églises, créées par des Africains, qui répondent aux besoins du peuple africain, qui ont chaleur, ferveur et souci d’aider à sortir de la pauvreté. Jésus a dit : « donnez-leur vous-même à manger » (Évangile de Luc 9, 13). L’église est là pour aider. Mettre au large. De manière concrète. Il faut vraiment cette dimension dans l’église, dans le ministère.
Et avec le recul, dix ans après les troubles qui ont entouré la chute de Gbagbo ?
C’était très compliqué à l’époque, certaines Églises ont été phagocytées par la politique, le nationalisme. Aujourd’hui en Côte d’Ivoire, le climat a vraiment changé. La mentalité des ivoiriens a évolué, il y a eu un déclic. On comprend que les gens ne sont plus prêts à s’entretuer pour des politiciens. Il y a une ouverture, qui touche aussi au domaine spirituel. Les Églises plus ouvertes sur l’extérieur. L’Ivoirien est assez ouvert, la dimension panafricaine grandit, on veut un Réveil de l’Afrique !