Le 500e anniversaire des 95 thèses de Luther a fait un peu d’ombre à son 100e anniversaire…. Mais cette ombre familière n’est pas pour déplaire à la Société Biblique de Genève (SBG). Car cette dernière se réclame toute entière d’un principe fondateur de la Réforme protestante : le Sola Scriptura (l’Ecriture seule).
C’est en bonne santé, et portée par une dynamique de projets, que la Société Biblique de Genève a fêté ses 100 ans en 2017. La SBG est aujourd’hui une institution incontournable dans la francophonie protestante. En raison de ses options théologiques évangéliques réputées conservatrices, elle ne fait pas l’unanimité. Mais toutes et tous s’accordent à reconnaître son sérieux, son efficacité et sa constance au service d’une diffusion à meilleur prix de Bibles et de littérature biblique. D’où vient-elle ? Quelle est son histoire ?
Un Écossais en francophonie protestante
Cette œuvre francophone est née en Suisse, des initiatives d’un presbytérien écossais, Hugh-Edward Alexander (1884-1957). Converti, marqué par l’impact à longue portée du Réveil du Pays de Galles en Ecosse (1906), il prend position dans les débats théologiques de son temps, qui opposent les libéraux aux défenseurs des « fondamentaux » de la foi chrétienne traditionnelle. Ces derniers, qu’on désigne alors sous le terme de « fondamentalistes », revendiquent un attachement particulièrement vif à l’autorité de la Bible, reconnue comme Parole de Dieu pleinement inspirée. Leurs opposants les décrivent étroits, prisonniers d’un certain littéralisme. Alexander n’en a cure. Et il ne fait pas dans la demi-mesure. Les protestants le déçoivent par leur tiédeur, il déplore ce qu’il décrit comme des compromissions ? Qu’à cela ne tienne, cet Ecossais établi à Genève va mettre en place de nouvelles structures, au service des convictions qu’il défend.
Installé dans la ville de Calvin, il met en place une première organisation qui fait circuler à partir de 1912 un cours par correspondance. Puis il fonde une Alliance Biblique en 1914 qui vise à grouper, « en vue d’assurer la diffusion des Écritures sur une base interdénominationnelle, tous les ‘fondamentalistes’ » (dixit Jean Séguy). En 1917 (date anniversaire célébrée cette année), un Bureau des Publications de l’Alliance Biblique est ouvert à Genève. Ce bureau est chargé d’éditer des Bibles et des ouvrages de défense de l’Evangile. Il s’agit de la première mouture de ce qui deviendra explicitement la Société Biblique de Genève (1943). Entre temps, Alexander fonde dans la même optique l’Action Biblique (1926), œuvre missionnaire orientée dans trois directions : la constitution d’assemblées évangéliques (une cinquantaine aujourd’hui, réparties principalement au sein de la francophonie), un travail de librairie au travers de l’installation en milieu urbain de Maisons de la Bible, et la formation de pasteurs et laïcs engagés à l’Institut Biblique de Genève (IBG), lancé à Cologny en 1928.
Le combat d’Alexander est triple. D’un côté, il s’oppose au libéralisme théologique, jugé destructeur pour la foi. De l’autre, il conteste le primat de l’expérience, dont il pense voir l’expression dans les succès du pentecôtisme. Il écrivait : “le manque de vrai fondement biblique qui va si souvent de pair avec une recherche malsaine d’émotions et d’expériences extraordinaires, caractérise de nos jours beaucoup de chrétiens ; ceci les expose au “Pentecôtisme” et fait qu’ils en deviennent souvent les meilleurs agents, sans en porter le nom”[1]. Enfin, et surtout, il s’attache à diffuser et défendre l’enseignement biblique tel qu’il le conçoit. Suisse et France constituent les principaux terrains d’activité de l’œuvre, mais l’horizon plus large de la francophonie n’est pas oublié. Depuis les années 1950, cette œuvre francophone a évolué, s’est étendue et professionnalisée, sans renier les principales intuitions du fondateur. À noter qu’un descendant du fondateur de l’Action Biblique, Daniel Alexander, est devenu sociologue des religions. Il a notamment publié en 1983 une étude sur le fondamentalisme dans la Revue Suisse de Sociologie[2].
[1] H.E. Alexander, Pentecôtisme ou christianisme? Ed. Maison de la Bible, Genève-Paris, s.d. (nelle éd. revue et augmentée), p.7
[2] Daniel Alexander, « Le fondamentalisme est-il un intégrisme ? », Revue Suisse de Sociologie, vol. 9, n°3, 1983, p.509-535