Prédicateur lors du grand séminaire de Pentecôte 2025 organisé par la megachurch d’Hortense et Mamadou Karambiri (Ouagadougou, Burkina Faso), le centrafricain Charles Talingano est une grande figure du Réveil évangélique d’Afrique centrale et de l’Ouest. Très connu du public évangélique mais méconnu au-delà, l’étonnant Charles Talingano est un acteur majeur de la nouvelle francophonie protestante. Portrait.
Charles Talingano est né en 1945 en République centrafricaine. Il reste aujourd’hui un évangéliste francophone de renommée internationale. Son ministère s’étend sur plus de cinq décennies. Dans sa jeunesse, il reçoit une éducation influencée par des professeurs soviétiques, dans le cadre de programmes éducatifs soutenus par l’Union soviétique à Bangui, la capitale de la République centrafricaine, dans les années 1960 et 1970. Ces enseignants, présents dans le contexte de la Guerre froide et des coopérations entre l’URSS et certains États africains, lui inculquent des principes athées et des idées philosophiques marxistes-léninistes. Cette formation, dispensée dans des établissements scolaires visant à former les élites locales, prônait une vision laïque et socialiste, contrastant avec les influences coloniales et post-coloniales de l’époque.
Catholique devenu pentecôtiste
Sa vie prend un tournant décisif en 1977 lors d’une expérience spirituelle profonde. Selon son témoignage, Jésus-Christ lui apparaît physiquement dans sa chambre à minuit, après un bain, dans une lumière éclatante. Ne sachant pas vraiment prier, issu d’un milieu catholique, Talingano aurait alors tenté de réciter des prières catholiques comme le Je vous salue Marie et le Notre Père. Après, dit-il, trois apparitions du Christ, Charles Talingano reçoit une « décharge spirituelle », et commence à prier en langues, marquant le début de sa conversion, en mode pentecôtiste, et de son appel à l’évangélisation. Peu après cette expérience, en 1978, il quitte la République centrafricaine, alors dirigée par l’empereur Jean-Bedel Bokassa 1er (couronné en 1976), pour s’installer en France, motivé par son désir de répondre à un appel missionnaire plus large. Charismatique, doté d’une grande éloquence fondée sur un régime de conviction et une vibrante sensibilité mystique, il entame un ministère itinérant, qui le conduit à prêcher à travers l’Afrique, l’Europe et au-delà, tout en gardant des liens étroits avec son pays natal, la République Centrafricaine.
Précarité, évangélisation, réveil
L’homme prend des risques, affronte précarité et adversité, mais ne dévie pas de son cap. Il s’adresse à toutes et tous, passant par les Églises évangéliques, les Églises pentecôtistes, et plus généralement les Églises d’initiative africaine (2), qui revendiquent un christianisme postcolonial, émancipé des codes et contraintes inculqués par les Européens. Depuis plus de 35 ans, surnommé « Papa Charles » dans la francophonie, Talingano parcourt le monde pour « proclamer l’Évangile », touchant des centaines de milliers de personnes avec un message d’espoir et de foi, caractérisé par une forte dimension christocentrique. Considéré, à l’instar du pasteur et apôtre Mamadou Karambiri (Burkina Faso) comme un père du réveil évangélique dans la francophonie africaine, il encourage les croyants à surmonter les épreuves par une foi renouvelée. Il affirme avoir été témoin de miracles, évoquant notamment la résurrection de neuf personnes après un accident, grâce à la prière. Son ministère itinérant s’appuie sur des enseignements diffusés via des conférences et des émissions sur des plateformes comme EMCI TV.
Une fibre mystique
Au fil des années, Charles Talingano a côtoyé nombre figures politiques africaines, notamment en tant que conseiller spirituel, et a noué une amitié avec Honoré Ngbanda, ancien ambassadeur du Zaïre, rencontré en 1982 en Israël. Doté d’une forte fibre mystique, il relate, dans ses prédications, des visions surnaturelles, dont une expérience, après, dit-il, 51 jours de jeûne, où serait allé jusqu’à visiter le paradis et l’enfer. Info ou intox ? Les convaincus valident, les autres s’interrogent… mais remarquent le zèle et la passion du prédicateur, qui ne ménage pas sa peine, ni sa transpiration, pour exhorter les foules. En 2019, il rencontre Simone Ehivet Gbagbo en Côte d’Ivoire lors des obsèques de son fils spirituel, le ministre Mel EG Théodore (1952-2019). En 2023, une rumeur de décès est démentie par une vidéo où il apparaît en France, confirmant qu’il est toujours actif.
Son impact transcende les frontières, avec des croisades évangéliques qui attirent des foules massives. Un exemple marquant est la croisade de Kinshasa (Congo RDC) en 2005, où Talingano a réuni plus de 50 000 personnes au stade des Martyrs pour une série de prédications sur la guérison spirituelle et physique. Cet événement, marqué par des témoignages de miracles et des conversions en grand nombre, a renforcé sa réputation en Afrique centrale. Il a formé bien des pasteurs et responsables spirituels, sur la base d’une réputation d’intégrité et de radicalité chrétienne.
En 2025, à 80 ans, Charles Talingano participe avec ferveur au séminaire de Pentecôte organisé par le pasteur Mamadou Karambiri à Ouagadougou, Burkina Faso. Cet événement majeur rassemble des dizaines de milliers de croyants pour célébrer la foi chrétienne enrichie par la Pentecôte. Sa participation active à ce séminaire du Centre International d’Évangélisation (CIE/MIA) renforce encore son influence dans les cercles évangéliques francophones, à l’occasion d’un partage passionné d’enseignements sur le Christ, la puissance de la prière et du Saint-Esprit.
Âgé de 80 ans, l’évangéliste centrafricain Charles Talingano reste aujourd’hui une figure marquante du christianisme évangélique francophone, particulièrement dans sa dimension revivaliste africaine. Par sa constance et sa persévérance, par sa sensibilité mystique et son engagement spirituel, déjouant les Cassandre, il continue à surprendre, étonner et bousculer, « à l’école du Saint-Esprit » (2).
(1) Hannes Wiher, Les Églises d’initiative africaine, un laboratoire de contextualisation, Langham, 2019.
(2) « A l’école du Saint-Esprit », émission EMCITV (2015), https://emcitv.com/charles-talingano/video/a-l-ecole-du-saint-esprit-1-26976.html