Pour la première fois en France, une enseignante est jugée pour harcèlement moral sur mineur après le suicide d’une de ses élèves. La petite Evaëlle avait 11 ans, le 21 juin 2019, lorsqu’elle a été retrouvée pendue chez elle. Au lendemain de l’ouverture du procès de la professeure, Pascale B. la procureure a requis, mardi 11 mars, 18 mois de prison avec sursis contre l’enseignante, estimant que celle-ci avait exercé une position de « toute puissance ». Elle a aussi demandé une interdiction définitive d’exercer la profession d’enseignante, indique Le Figaro. La prévenue, âgée de 62 ans, est jugée pour harcèlement moral sur trois élèves, dont Evaëlle, mais a bénéficié d’un non-lieu pour homicide involontaire.
La jeune Evaëlle s’était suicidée en juin 2019, quelques mois après son entrée en sixième. Dès le mois de septembre 2018, elle avait rencontré des problèmes avec sa professeure de français, après la mise en place d’un protocole médical en raison d’un problème de dos. Après plusieurs mois de harcèlement, d’insultes et de violences, les parents de la jeune élève portent plainte contre des élèves et la changent de collège en février 2019. Peu avant, l’enseignante avait notamment organisé une heure de vie de classe durant laquelle elle aurait « jeté en pâture » son élève, a estimé la procureure. Durant une session portant sur le harcèlement scolaire, la professeure avait demandé aux collégiens d’exprimer leurs reproches à Evaëlle qui a ensuite dû s’expliquer devant eux. « Je n’ai pas humilié Evaëlle […] Ce n’était pas le but de la mettre en difficulté, mais essayer de régler ce problème relationnel dans la classe », a indiqué l’enseignante lors de sa défense. « C’était la pire journée de toute ma vie », avait confié la jeune élève à l’issue de cet épisode.
Poursuivie pour le harcèlement de deux autres élèves
« Les parents sont déterminés à ce qu’il n’y ait plus jamais d’affaire Evaëlle », a déclaré l’avocate des parents de la fillette, Delphine Meillet, dont les propos ont été repris par L’Humanité. « Les parents d’Evaëlle ont fait le maximum et l’institution a fait le minimum », a-t-elle ajouté. La mère de l’élève regrette l’inertie de l’Éducation nationale, contre laquelle aucune poursuite pénale n’a été initiée, mais aussi le manque d’investigation des autorités. L’Éducation nationale a indemnisé la famille au titre de préjudice moral en échange de l’abandon de poursuite envers l’État.
Durant son audience Pascale B. a dit qu’elle ne voyait pas Evaëlle comme étant une « enfant harcelée », mais plutôt comme étant « en conflit avec les autres élèves« , rapporte franceinfo. Interrogée sur cette séance de vie scolaire, l’ancienne professeure a assuré : « Je pense toujours que la méthode était la bonne ». Après 33 ans d’exercice, une interdiction d’enseigner a été prononcée à l’encontre de la prévenue. Elle pourrait devenir définitive si le tribunal suit les réquisitions de la procureure. L’ex-enseignante encourt une peine de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Plusieurs élèves interrogés ont indiqué qu’Evaëlle était une cible récurrente de la professeure qui lui criait dessus et l’isolait au fond de la classe. L’ancienne professeure est aussi renvoyée pour le harcèlement de deux anciens élèves. L’un d’eux a témoigné, disant que l’attitude de son ancienne enseignante faisait « mal ». « C’était extrêmement rabaissant », a-t-il confié.