Le pays de la Déclaration universelle des droits de l’homme devient soudainement moins exemplaire quand on apprend que les femmes ont été exclues du Code civil, des droits politiques et des droits du corps. L’avancée des droits des femmes est indissociable du combat des féministes, dont la pionnière, Olympe de Gouges, rédactrice de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, fut guillotinée en 1793.
L’enchevêtrement universel/essence explique la parité
Deux conceptions du féminisme s’opposent ou s’enchevêtrent parfois : le féminisme universaliste 1 et le féminisme différentialiste 2 (ou essentialiste). En France, au nom de l’universalisme, un élu ou une élue représente indifféremment les hommes et les femmes. Mais, en même temps, au nom du différentialisme et du besoin de représentativité, des quotas ont été introduits. Par exemple, dans une ville, le conseil municipal est constitué à part égale d’élues femmes et hommes, selon le principe de la parité alternée.
Quand un homme décède ou démissionne, il ne peut être remplacé que par un homme (et inversement). Le motif de cette réglementation tient à un préjugé : le législateur a pensé que, sans cette règle, les femmes risquaient de démissionner sous la pression des hommes, ce qui créerait des majorités masculines. Mais à cause de cette parité, tous les conseils à majorité masculine depuis des décennies ne seront jamais à majorité féminine. Et quand on constate que les maires de France restent en grande majorité des messieurs (19,8% seulement sont des femmes), on mesure les limites de cette parité.
La question est celle du pouvoir
Depuis 2013, les conseils départementaux ont remplacé les conseils généraux. Alors que les conseillers généraux hommes ont assuré leurs mandats seuls pendant plus d’un siècle, il y a désormais un binôme par territoire, un homme et une femme. Les femmes doivent partager le pouvoir avec les hommes. Les hommes politiques craindraient-ils que les femmes ne prennent trop de pouvoir ? La parité est, sans aucun doute, un progrès puisqu’il y a plus de femmes élues, mais les hommes continuent de les maintenir à l’écart du pouvoir majoritaire comme dans les conseils d’administration des grandes entreprises et les instances stratégiques, souvent présidés par un homme.
La question politique, celle du pouvoir, est la clé car elle permet de changer les lois, de peser sur toutes les décisions et, surtout, de prendre en compte des sujets éloignés des préoccupations des hommes, comme la question des douleurs menstruelles dans le Code du travail que les syndicats, composés en majorité d’hommes, n’ont jamais eu l’idée d’évoquer dans leurs négociations avec les représentants des employeurs, eux-mêmes à majorité masculine…
Charlotte Lemoine, déléguée générale de la Fep
1 Pour les féministes universalistes, l’infériorisation des femmes est un phénomène universel, issu d’un système patriarcal qui doit être remis en cause. Les féministes universalistes rejettent l’argument de la nature duelle des sexes qu’elles considèrent comme une construction historico-sociale.
2 Pour les féministes différentialistes, il existe une différence de nature entre les hommes et les femmes et donc une essence féminine. Les différentialistes revendiquent l’égalité dans la différence.
Quelques chiffres
93% des Françaises et des Français constatent des inégalités de traitement entre hommes et femmes. Seulement 20% des Françaises et Français estiment que les femmes et les hommes sont égaux en pratique.
80% des femmes ont vécu des situations sexistes dans la rue et les transports, le foyer ou le monde du travail.
37% des femmes affirment avoir déjà subi des discriminations sexistes dans leur choix d’orientation professionnelle.
41 % ont vécu des situations inégalitaires à l’école ou durant leurs études. Les femmes ne représentent que 36% du temps de parole dans les médias.
15% des femmes (20 % chez les 50-64 ans) ont déjà subi des coups portés par leur partenaire ou ex-partenaire. 23% des jeunes hommes considèrent qu’il faut parfois être violent pour se faire respecter. 122 femmes ont été tuées par leur conjoint (ou ex-conjoint) en 2021 (contre 102 en 2020).