Rémunération, conditions de travail et accès à la formation, discriminations à l’embauche, dans l’emploi ou en cas de licenciement, violence et harcèlement sexuel, congé parental et accès aux crèches, quotas dans la gouvernance et la direction des grandes entreprises, les institutions représentatives du personnel… les constats d’inégalité de traitement entre les hommes et les femmes sont nombreux dans notre pays.

Des différences dans la socialisation professionnelle

En dépit des efforts du législateur, les inégalités hommes-femmes persistent alors que l’emploi est largement féminisé depuis les années 1970. Ainsi, bien que le taux de réussite scolaire des femmes soit régulièrement supérieur à celui des hommes, les écarts de rémunération sont toujours en faveur de ces derniers à hauteur de 36,3 % pour les diplômes supérieurs ou égaux à bac + 3, de 30,8 % en-dessous du bac et de 26,7 % pour le niveau bac ou bac + 2. De même, à expérience professionnelle comparable, l’écart varie de 18,1 % pour une ancienneté de moins de cinq ans à 29,4 % pour plus de trente ans. 1 De tels écarts traduisent des différences dans la socialisation professionnelle des hommes et des femmes.

Dans les couples avec enfants, 19 % des mères interrompent leur activité professionnelle contre seulement 4 % des pères 2 . Durant la crise Covid, les métiers dits de première ligne étaient majoritairement féminisés avec 86,6 % de femmes pour le personnel infirmier, 77,7 % dans les autres professions médicales ou sanitaires, 70 % des agents d’entretien et 66,7 % des enseignants du premier degré 3 . Le monde du travail révèle la différenciation qualitative quant à la place des femmes et des hommes dans la société française. Ces différences de genre sont plus ou moins marquées que dans d’autres pays, selon les représentations culturelles, politiques et éthiques des rôles masculins et féminins qui y prévalent.

Principes égalitaires : la France peut mieux faire

Le psychosociologue Geert Hofstede (1928-2020) a éclairé cette perspective à partir d’enquêtes statistiques internationales. Selon lui, la tension masculinité-féminité est l’une des six dimensions différenciatrices des cultures nationales. Un indice variant de 1 à 100 caractérise une société selon qu’elle fonde les rapports au travail sur des représentations plutôt masculines (indice élevé) ou plutôt féminines (indice faible). La masculinité privilégie la compétition, la priorité au travail, le pouvoir de décision aux hommes. La féminité valorise la recherche de consensus, l’équilibre vie privée-vie professionnelle, les décisions participatives. Avec un indice de 43, la France se situe dans une zone médiane parmi les pays européens à mi-chemin entre principes égalitaires et pratiques sociales différenciées.

C’est dans les pays scandinaves que les rôles sociaux des hommes et des femmes sont le moins inégalitaires (Suède : 5, Norvège : 8, Danemark : 16), tandis que la distinction genrée prévaut en Autriche (74), en Italie et en Suisse (70), en Allemagne (66) ou en Pologne (64).4 Aussi, si selon la Genèse « Dieu les créa homme et femme », ce sont bien les sociétés humaines qui construisent en leur sein les rapports de pouvoir entre genres.

Denis Malherbe, maître de conférences émérite des universités (HDR)

1 Simon Georges-Kot, « Écarts de rémunération femmes-hommes : surtout l’effet du temps de travail et de l’emploi occupé », Insee Première, no 1803, 16 juin 2020.

2 Philippe Roussel, Femmes et hommes : une lente décrue des inégalités, Insee, « Références », 2022.

3 Ministère chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances, Vers l’égalité réelle entre les hommes et les femmes : chiffres-clés, 2021.

4 Source : https://www.hofstede-insights.com/fi/product/compare-countries/