Étudiée depuis longtemps par la psychologie sociale, la question des stéréotypes de genre, lorsqu’elle concerne les personnes en situation de handicap mental ou psychique et leur identité sexuelle, n’a rencontré de véritables échos qu’à la suite de la loi relative à la vie affective et sexuelle des personnes accueillies en institution. (1)

Pourtant, l’appropriation (ou son absence) de ces stéréotypes semble influencer la construction de la personnalité de ce public. Entre enrichissement et ouverture sur le monde ou limitation et effet carcan, quelle est l’importance pour l’individu déficient d’être reconnu, assigné homme ou femme ?

Des stéréotypes importants

L’appropriation des stéréotypes de genre semble importante pour les personnes en situation de handicap mental. Leur manière de se vêtir renvoie une première valence. Certains résidents apportent un soin tout particulier à la tenue vestimentaire, aux accessoires, maquillage, coiffure. Ils semblent éprouver leur personnalité à travers ces atours, qui viennent aussi les placer dans un rapport à soi-même (prendre soin de soi, faire des choix esthétiques, affirmer ses goûts…), mais aussi à l’autre (attirer le regard, un compliment, des félicitations…). Pour certaines familles, l’importance de présenter un enfant toujours impeccable peut aussi être un moyen de nourrir une renarcissisation à l’endroit de cet enfant frappé par le handicap. L’absence du genre et de ses codes de la présentation d’un individu révèle souvent une immaturité dans son développement psycho-affectif.

Des appropriations diverses

Bérénice, vingt-huit ans, peut dire qu’elle est une fille « parce que papa et maman me l’ont dit ». Mais elle n’est pas en mesure d’expliciter ce qui signe la différence des corps masculins et féminins, ni de les reconnaître sur des images, malgré un travail institutionnel groupal solide, à propos de la vie affective et sexuelle, mais aussi individuel, quant à son hygiène, son schéma corporel, l’intimité, etc. Elle connaît, en revanche, le genre des personnes de son entourage, de manière acquise. Au fil des années, elle accepte de prendre davantage soin d’elle, gommant sa présentation enfantine alors qu’elle passe d’un foyer de vie à un appartement autonome. Mais son évolution globale vers une vie d’adulte ne semble pas inclure un ancrage dans la féminité.

À l’inverse pour Marion, l’appropriation de sa féminité, à travers l’assimilation d’un corps désirable par l’autre, a, semble-t-il, été vecteur d’évolutions personnelles. Le tissage d’une relation de proximité avec un garçon, pour cette jeune fille infiniment timide, au parcours émaillé de ruptures et de maltraitances, a constitué un tuteur de résilience très précieux. Au fil des mois, Marion s’est distanciée d’une présentation très immature – protectrice sans doute – pour donner place à une perception d’elle-même positive, un soin de soi devenu agréable, un positionnement plus affirmé, une capacité à énoncer ses besoins et faire respecter ses envies, en parallèle d’une présentation plus coquette et adulte.

En prenant en considération ces deux exemples, il apparaît que l’appropriation des stéréotypes de genre puisse être un levier dans l’accompagnement des résidents, sans revêtir un caractère indispensable.

Marie-Noëlle Brunet, psychologue

1 Loi du 2 janvier 2002.