Se souvenir des persécutés. Ne pas oublier ceux qui attendent leur jugement dans les couloirs de la mort, ce qu’on torture ou qui risquent d’être exécutés. Comme chaque année, l’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture (Acat) se mobilise pour eux le temps de la Nuit des veilleurs, un événement qui se tiendra le 26 juin partout en France. Ce sera l’occasion de porter à la connaissance du public l’histoire de neuf victimes, défenseurs de la paix et des libertés, à travers des veillées et des cérémonies. Parmi elles, on compte deux journalistes indépendants originaires du Vietnam et du Rwanda, une Mexicaine et un Chinois considérés comme opposants politiques dans leurs pays, une prisonnière politique iranienne, deux défenseurs des droits humains, un Marocain et un Camerounais. À la liste s’ajoute deux parents représentant un groupe de six Mexicains enlevés par le régime. Aucun de ces hommes et femmes n’a eu le droit à un procès équitable.

Pour Yves Rolland, président d’Acat-France, c’est par des actions telles que la Nuit des veilleurs que l’on peut leur témoigner du soutien, même de l’autre bout du monde : « C’est dire à ces défenseurs des droits qu’ils ne sont pas seuls, que des gens pensent à eux, leur écrivent, les portent dans leur prière, même si on ne partage pas la même religion. ».

Depuis 1987, le 26 juin, journée internationale de la lutte contre la torture, permet de réaffirmer chaque année la dignité intrinsèque des êtres humains et d’appeler à la justice et à la paix. L’Acat a donné à cette journée, et surtout à cette nuit, une dimension chrétienne qui dépasse les frontières, l’événement étant associé aux dispositifs mis en place par les 27 autres antennes de l’association dans le monde.

Victimes mais aussi symboles

Parmi ces victimes se trouve notamment Wendy Galarza, une jeune Mexicaine défenseuse des droits des femmes. Yves Rolland insiste sur son exemple car « prier pour elle, c’est soutenir toutes les victimes des manifestations réprimées par le gouvernement ». En effet, dans son pays Wendy est devenue un symbole de résistance face à la brutalité policière. Durant une manifestation en novembre 2020 à Cancun, elle a été arrêtée, brutalisée puis violemment battue. Deux balles ont transpercé son corps mais elle a survécu et a continué à se battre. Selon l’ONU Femmes, le Mexique est le pays d’Amérique latine qui compte le plus de féminicides. Wendy et ses camarades de lutte ont donc créé le Comité des victimes du 9 novembre afin de témoigner de ce jour sanglant et de poursuivre leur combat. À ses côtés, de nombreux collectifs de femmes demandent le soutien de l’Acat pour lutter contre les dérives autoritaires de leur État envers la population féminine.

Le président d’Acat-France a aussi à cœur que le sort de Zainab Chavarian ne tombe pas dans l’oubli. Cette Iranienne, condamnée pour ses activités en faveur des femmes kurdes, en est aujourd’hui à sa dix-septième année d’emprisonnement. En 2011, le guide suprême du pays la condamne à la prison à vie. Zainab souffre de nombreuses maladies dues aux mauvais traitements durant sa détention. Par ailleurs, des membres de sa famille ont été arrêtés ou menacés par la police en 2022, après avoir publié une vidéo alertant sur la détérioration de son état de santé. Depuis 2016, les Nations unies ont reconnu le caractère arbitraire de sa détention et ont demandé à la République Islamique d’Iran de la libérer. Une requête sans réponse jusqu’à aujourd’hui. Zainab Chavarian incarne la lutte contre la répression féroce du régime de Téhéran, qui multiplie les violations des droits humains, notamment envers les femmes et les minorités religieuses comme les kurdes.

Une flamme qui ne s’éteint pas

Chaque année, la commission Théologie regroupant des membres de l’Acat – protestants, catholiques et orthodoxes – choisit un verset comme fil conducteur de la Nuit des veilleurs. L’édition de cette année s’appuie sur cette assurance : « Grâce au Christ, la vie a vaincu la mort », en écho au verset de l’épître de Paul aux Corinthiens : « Ô mort, où est ta victoire ? » (1 Corinthiens 15, v. 55). « Cette conviction est le cœur de la foi chrétienne », insiste Yves Rolland. Une façon de rappeler que même en pleine obscurité, une flamme continue de briller et ne s’éteint jamais. Et le président d’Acat-France de souligner que pour les chrétiens, la résurrection de Jésus Christ proclame que la vie est plus forte que la mort.

Pour Isabelle Bouche, responsable de la coordination de l’évènement dans le département du Tarn, ce mot d’ordre doit guider la poursuite la lutte, aussi bien pour les bénévoles mobilisés que pour les victimes. « C’est un appel à garder le cap, même si nous pouvons être extrêmement touchés par les expériences qui nous ont été rapportées. Nous nous rappelons que Dieu est présent, que malgré la mort et les souffrances, des personnes sont prêtes à se battre pour leur dignité et pour empêcher que la torture ne sévisse partout dans le monde ». Dans sa région, c’est au travers de trois veillés et un culte que cette espérance sera partagée, précise Isabelle Bouche. À cette occasion, une vingtaine de bénévoles sont mobilisés, chrétiens mais pas seulement. Enfin, l’organisatrice résume l’esprit de la Nuit des veilleurs en rappelant que « le plus important est de nous souvenir que nous sommes tous frères en Jésus-Christ et que nous sommes appelés à venir en aide à notre prochain, quelle que soit sa religion ou son appartenance ethnique ».

En savoir plus : https://www.acatfrance.fr/