Ne jamais se fier aux apparences. Le faste avec lequel Emmanuel Macron accueille son homologue chinois Xi Jinping, arrivé en France dimanche 5 mai, ne doit pas faire oublier les points de désaccord entre les deux États, comme la guerre en Ukraine ou les désaccords commerciaux. Entre les deux puissances, tout a débuté le 27 janvier 1964. Ce jour-là, le président Charles de Gaulle invoque “le poids de l’évidence et celui de la raison”. Il précise également que l’établissement de relations diplomatiques ne comporte pas “la moindre approbation à l’égard du système politique qui domine actuellement la Chine”, rappelle Le Monde. Il s’agit selon lui de reconnaître “simplement le monde tel qu’il est”.

Depuis, les choses n’ont guère changé. La France enregistre un déficit commercial de 50 milliards d’euros, et le fossé séparant les valeurs démocratiques occidentales de Xi Jinping ne cesse de s’accroître. Pour faire entendre la voix de la France, peser sur la Chine en conservant son autonomie stratégique vis-à-vis des États-Unis, Emmanuel Macron a choisi de donner une dimension européenne à son entretien avec Xi Jinping. Lundi 6 mai, le chef d’État français a pris le soin de convier Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne, à Paris. Une technique d’européanisation des débats déjà utilisée en 2019, lors de la dernière visite officielle de Xi Jinping, souligne franceinfo.

Une provocation

Selon Le Point, “tout fout le camp” entre la Chine et la France. Depuis la pandémie de Covid-19, un fossé s’est creusé avec les guerres en Ukraine puis au Proche-Orient. Et la “désoccidentalisation” de la Chine se voit même dans les rues de la capitale. Les endroits autrefois fréquentés par les Occidentaux ont fermé. Ils ont cédé leur place à des boutiques de luxe pour les riches Chinois. Alors, dans l’espoir de faire revenir les touristes et les investisseurs européens, la Chine a levé l’obligation de visa pour les visiteurs de certains pays, dont la France.

Mais, selon l’hebdomadaire, le fait que Xi Jinping ne consacre pas son séjour en Europe à la seule France est un mauvais signe, d’autant que l’Élysée aurait insisté. En effet, le président chinois s’envolera ensuite pour la Hongrie et la Serbie, deux pays dont les dirigeants sont très proches de la Russie. La proximité de Poutine avec le Premier ministre hongrois, Viktor Orbán, et le président serbe, Aleksandar Vučić, est d’ailleurs un sujet de discorde au sein de l’Union européenne (UE). Pour Bruxelles, il s’agit là d’une provocation à quelques semaines des élections au Parlement européen.

“Garder les canaux ouverts”

Malgré la fausse neutralité de la Chine, de plus en plus anti-occidentale, la France n’a pas renoncé à en faire un intermédiaire entre l’Occident et ses ennemis déclarés. Si bien que certains craignent qu’Emmanuel Macron ne fasse avec Xi Jinping la même erreur qu’avec Vladimir Poutine. “Faire de la Chine un agent de la paix en Europe… Personne n’y croit sérieusement”, commente Mathieu Duchâtel, directeur du programme Asie à l’Institut Montaigne.

Philippe Le Corre, professeur affilié à l’ESSEC et auteur d’un rapport pour le Parlement européen sur les relations entre l’Union européenne et la Chine, estime qu’“on en est au point où on leur parle de l’Ukraine, car il faut en parler, tout en sachant que cela n’a aucun impact. La Chine bénéficie de cette guerre économiquement et n’a aucun intérêt à aider l’Occident”. L’Élysée se dit lucide, mais “la Chine est le seul pays à disposer d’un tel levier avec la Russie. Il est important de garder les canaux ouverts, surtout au plus haut niveau. Le moment venu, nous pourrions en avoir besoin”. Alors, la diplomatie française s’est adaptée à la manière de faire de la Chine.

De rares points de convergence

Quid des droits de l’homme ? Selon Le Point, il ne devrait pas beaucoup être question de ce sujet d’ici le soir du mardi 7 mai. Le point clé de la visite de Xi Jinping est celui des enquêtes anti-subventions européennes. Pékin pense que Paris est derrière la multiplication des investigations visant les voitures électriques, les panneaux solaires et les autres matériels de soins médicaux chinois. Alors, la Chine contre-attaque en ciblant le cognac et les eaux-de-vie françaises. “Le bon côté de ce bras de fer, c’est que la Chine considère désormais la France comme l’acteur principal en Europe”, analyse un diplomate en poste en Asie. Lors de sa récente visite en Chine, Olaf Scholz, le chancelier allemand, n’a rien obtenu de concret. La France, elle, compte sur son message “le soutien de la Chine à la Russie a un coût dans sa relation avec l’Europe, son premier partenaire commercial” pour faire mieux. En effet, les dirigeants chinois ont du mal à relancer leur économie. Alors, un tel argument pèse.

Paris mise également sur les rares points de convergence. C’est le cas du rapprochement de la Corée du Nord avec la Russie, qui pourrait irriter les Chinois. Les menaces d’utilisation de l’arme atomique par Moscou sont elles aussi vues d’un mauvais œil par Xi Jinping.

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