Tout a commencé il y a une dizaine d’années. En 2012, François Hollande est élu président de la République. Une de ses promesses de campagne est l’ouverture du mariage et de l’adoption au couple homosexuel. Quelques mois plus tard, la première manifestation du collectif d’association La Manif pour tous (LMPT) est organisée et rassemble 200.000 personnes selon les organisateurs et 70.000 d’après la police. Cette mobilisation est permise en grande partie grâce à l’engouement des catholiques et de leur prosélytisme dans les paroisses, au scout et dans les différentes communautés.
Deux mois plus tard, lors de la manifestation du 13 janvier 2013, le mouvement connaît une certaine croissance. Les organisateurs annoncent un million de manifestants et la police 340.000. C’est une joie pour nombre de catholiques qui prennent part au mouvement aussi bien de pouvoir défendre des idéaux que de faire partie d’un grand groupe, explique La Croix. « J’avais été convaincu par une bonne sœur au détour d’un week-end scout de l’importance du sujet. Ce qui m’a marqué, c’est la joie de sentir qu’on appartient à un groupe. Pour moi, ça a été une expérience politique fondatrice« , explique à La Croix un homme qui était alors âgé de 15 ans.
Mais l’engouement massif ne durera pas. Dans un premier temps, la loi dite Taubira est adoptée le 23 avril et a été promulguée le 17 mai 2013, légalisant ainsi le mariage homosexuel. Ensuite, le mouvement a connu une radicalisation de certains de ses membres, à l’image du mouvement du Printemps français.
Derrière les revendications, la haine
Cette radicalisation d’une partie du mouvement va avoir un effet inattendu sur la masse des militants. Confrontés à des avis plus extrêmes, divergents et à une homophobie grandissante, un certain nombre de catholiques ne souhaitent plus s’associer au mouvement, explique La Croix. La coautrice de Métamorphoses catholiques. Acteurs, enjeux et mobilisations depuis le mariage pour tous, Céline Béraud explique à La Croix que « le sujet a clivé les paroisses, le conflit a traversé le mouvement scout, les communautés. Ce n’est pas que les gens sont devenus subitement favorables au mariage pour tous, mais beaucoup ont désapprouvé le mode de mobilisation et ses effets homophobes« .
C’est, de fait, une période très dure pour les croyants catholiques qui ne se retrouvent pas dans une sexualité hétéronormée : une vague d’homophobie et de violence survient, facilitée par l’exposition médiatique du mouvement et de ses satellites les plus extrêmes. La sociologue du religieux relate des entretiens qu’elle a passés avec des catholiques gays ou lesbiens en 2014-2015. Ces croyants décrivent « un moment terrible dans leur vie de foi, où ils ont été exposés à une forme d’homophobie explicite venant soit du curé, soit d’autres paroissiens. Les évêques en ont pris conscience, c’est très clair, et beaucoup de fidèles avec eux.«
Face à la discrimination et à la marginalisation, l’acceptation
La réaction à cette radicalisation vient des militants eux-mêmes qui, pour beaucoup, décident d’adopter une position contraire. « J’ai constaté des trajectoires de personnes qui ont franchi un seuil dans l’acceptation de l’homosexualité grâce au contexte d’affrontement et à leur engagement dans LMPT. L’attention à ne pas blesser les personnes homosexuelles devenait indispensable pour défendre leurs convictions », indique le politiste Yann Raison de Cleuziou à La Croix.
Enfin, l’élément qui poussera beaucoup de catholiques ayant milité à LMPT à s’éloigner du mouvement, voir à ressentir une forme de honte quelques années plus tard, réside dans les quelques révélations d’abus sexuels dans l’Église de 2016, notamment l’affaire du cardinal Philippe Barbarin, qui a imposé le sujet dans le débat public. « Les scandales invitent l’Église à une certaine modestie sur sa prétention à dire le bien sur les questions de sexualité« , explique Céline Béraud. Depuis, le mouvement est avant tout porté par des militants d’extrême droite. Pour bon nombre de militants et de politiques anciennement engagés dans cette lutte, le mariage homosexuel est devenu une liberté évidente à accorder.