Initialement consacré au soutien des seuls protestants, le CASP s’est ouvert, dans les années soixante, à toute personne en situation de précarité, sans aucune distinction, et dans une approche résolument laïque.

Son ancrage est cependant resté, depuis lors, parfaitement protestant : ses administrateurs doivent obligatoirement appartenir à une Église, une œuvre ou un mouvement membre de la Fédération protestante. Très longtemps présidé par un pasteur, il en compte toujours plusieurs parmi ses membres. Ses cotisants, donateurs et bénévoles sont essentiellement issus des paroisses franciliennes.

Sa croissance s’est très fortement accélérée, depuis les années quatre-vingt-dix, à cause de la hausse du nombre de personnes à la rue, mais aussi grâce à une dynamique de projets qui l’ont conduit à diversifier considérablement ses activités. Ses effectifs ont fortement augmenté et a part des financements publics dans son budget est devenue majoritaire.

Ces évolutions ont conduit le CASP, à la fin des années 2000, à s’interroger sur la référence au protestantisme dans son nom. Un cabinet de consultants, à cette époque, a considéré que sa dénomination était un obstacle à toute communication externe. Des cadres ont fait valoir que certaines institutions publiques réagissaient avec méfiance devant une appellation qui leur apparaissait étroitement identitaire et confessionnelle, et qu’il pourrait en être de même d’autres associations susceptibles d’approcher le CASP dans une perspective de fusion. D’autres ont exprimé, plus ou moins ouvertement, une gêne personnelle à travailler dans une institution qui affirmait si résolument son appartenance.

« L’ abandon du P serait un reniement dangereux »

Le conseil d’administration a choisi d’aborder de front cette question. Il a créé un groupe de travail pour examiner s’il devait être envisagé de modifier la dénomination du CASP. Cette option a finalement été écartée, le CA considérant que l’abandon du P serait un reniement dangereux. Un abandon qui serait, à terme, celui du projet originel du CASP : être solidaire au nom de Jésus-Christ en attestant et en protestant chaque fois que l’essentiel est en jeu. Une facilité qui traduirait une forme de résignation à n’être plus qu’un simple opérateur des pouvoirs publics.

Le CASP s’est alors doté d’une charte, élaborée collectivement, qui engage ensemble bénévoles et salariés, croyants comme incroyants, autour de valeurs essentielles. Elle affirme une éthique de l’espérance, en référence explicite à la théologie de l’espérance fondatrice du CASP.

Cela ne veut pas dire que certains ne peinent pas, aujourd’hui encore, à comprendre la spécificité d’une association où il n’est pas nécessaire d’ouvrir la Bible pour entendre résonner l’Évangile. Une action laïque, en même temps qu’évangélique, reste un oxymore peu aisé à saisir pour beaucoup. Les administrateurs du CASP, en particulier lors des journées des nouveaux arrivants, doivent faire œuvre de pédagogie.

Le maintien de son P n’a toutefois pas empêché le CASP de continuer à grandir, d’être très attractif auprès de nouveaux collaborateurs séduits par l’affirmation de ses valeurs, et de bénéficier d’une forte confiance des pouvoirs publics que la clarté, sans ambiguïté aucune, de son positionnement, rassure.