Interventions prononcées pendant la 9e convention du Forum protestant le 22 novembre 2022 au Foyer de l’âme (Paris).
Visionner l’ensemble des interventions et débats de la 9e convention (cette deuxième partie de la première table ronde va de 0h22 à 0h35).
Stéphane Lavignotte: Je donne la parole à Édith Tartar-Goddet. C’est finalement assez complémentaire puisque se pose la question et de personnes et d’institutions qui sont dans des situations changeantes et de comment finalement on s’adapte à ces situations ?
Édith Tartar-Goddet : « Bien vieillir en Église »
Édith Tartar-Goddet: Le vieillissement de l’Église, est-ce une bonne nouvelle ?
Je vais essayer de répondre à cette question à partir de mon expérience d’accompagnement d’Églises et de communautés et à partir de mon exercice professionnel de psychologue orienté sur les relations violentes entre humains et avec leurs institutions ou organisations.
Je vais répondre positivement à la question en posant au moins une condition: vieillir est une bonne nouvelle si l’Église et les humains qui la composent font chaque jour et à chaque instant le choix de la vie. Et ce n’est pas si simple à faire…
Alors qu’est-ce que cela veut dire ? Comment faire, répéter et confirmer sans cesse ce choix de la vie ?
Avant cela, il faut s’interroger sur ce que représente ou ce que signifie pour nous être un être humain sur le plan individuel, sur le plan groupal ou communautaire et aussi sur le plan structurel, ici ecclésial; car il ne suffit pas de naitre en humain pour vivre en humain.
Par exemple, une structure d’Église est humaine lorsqu’elle s’inscrit dans la voie de la bien traitance qui est une démarche éthique d’intérêt, d’attention, d’écoute, de soutien, de portage psychique et spirituel à l’égard des personnes qui la fréquentent et de ceux et celles qui lui sont affiliées.
Notre humanité se construit au jour le jour à condition de s’inscrire dans la Parole, le désir d’être et dans la relation à l’autre, aux autres; humanité qui ne se réalise pas sans conflits intérieurs voire sans conflits avec l’extérieur.
1. La puissance des pulsions de mort
Mon premier point portera sur un aspect du vieillissement auquel nous sommes en général peu attentifs: la force revitalisée ou la puissance des pulsions de mort au fur et à mesure que nous entrons dans la vieillesse et qu’une Église vieillit.
L’orientation de mon propos sur cet aspect n’exclut pas l’ensemble des dimensions psychologiques et sociologiques de la vieillesse faite, entre autres, de changements et de pertes.
Les pertes et les changements liés à la vieillesse sont accompagnés par un ralentissement physique et psychique car les pulsions qui nous assaillent et nous maintiennent en vie au quotidien entrent en concurrence dans un conflit inégal entre d’un côté les pulsions de vie, de l’autre les pulsions de mort.
Les pulsions, ce sont des forces qui prennent leur source dans notre organisme, produisent du déplaisir ou de l’inconfort et exigent satisfaction.
Au cours de l’existence, les pulsions de vie dominent les pulsions de mort en les maintenant en respect.
Ces pulsions de vie se manifestent
dans les projets; dans les désirs d’être, de connaitre, d’entreprendre quelque chose; dans l’intérêt, l’attention, l’amour pour autrui et pour la communauté d’Église; dans les actions citoyennes, le dynamisme, la mobilisation psychique.
Ces pulsions de vie portent ou soutiennent nos capacités à nous interroger et à interroger nos fonctionnements d’Église, à nous remettre en question, à réformer nos institutions ecclésiales, à changer, nous adapter….
Mais il y a des moments ou un moment (et l’on ne s’en aperçoit pas tout de suite et parfois pas du tout) où les pulsions de mort reprennent du poil de la bête et […]