«Silenciation» des critiques palestiniennes du sionisme, «silence coupable» d’une certaine gauche sur la barbarie terroriste du Hamas le 7 octobre dernier, voire «faille empathique majeure», selon les mots de la rabbine française Delphine Horvilleur. Le conflit au Moyen-Orient – terre chère aux chrétiens, qui y comptent une présence historique – a relancé les accusations d’émotions à géométrie variable, de compassion biaisée, voire instrumentalisée.

Cette dénonciation est récurrente. On l’a retrouvée dans le débat public lors du conflit ukrainien. Pourquoi, face aux bombardements russes, un tel mouvement de solidarité et d’accueil en Suisse et en Europe… alors que des réfugié•es syrien•nes fuyant les mêmes barils d’explosifs russes dès 2015 n’ont pas fait l’objet d’une générosité aussi franche et massive? Les doubles standards ne concernent pas que la compassion européenne. «Les Arabes sont les champions du deux poids-deux mesures», assure Anthony Samrani, dans un article de L’Orient-Le Jour à Beyrouth, pointant l’absence de «grande manifestation ou d’indignation collective» parmi les nations arabes face aux exactions de Bachar El-Assad en Syrie, ou tout simplement en réaction au quotidien indigent des Palestinien·nes vivant depuis des décennies dans des camps au Liban ou en Jordanie.

Cocktail d’ingrédients culturels ou personnels

Ne faudrait-il pas reconnaître que tous les peuples ont des standards doubles? Que l’empathie au sein d’une société est, par définition, à géographie variable? Pour arriver à une grande manifestation ou à un sentiment partagé d’indignation collective, il faut un cocktail d’ingrédients très spécifiques. Des liens historiques, culturels, parfois personnels et humains, un contexte international et local, migratoire et politique. Mais aussi une manière de s’informer: la saturation d’images peut conduire à l’indifférence. Le traitement médiatique joue aussi un rôle.

L’un des principes enseignés aux journalistes est d’ailleurs celui du «mort au kilomètre» ou «principe de proximité». Basé sur la psychologie de la perception, il part de l’idée que plus un événement est «proche» d’une personne, plus il aura d’importance à ses yeux. Cette proximité peut être géographique, mais  […]