Quand point l’adolescence, Margaux Chouraqui veut se démarquer. L’atavisme n’est pas une fatalité. Après son bac, direction le King’s College of London pour étudier les affaires européennes. De retour en France, c’est sur les bancs de Sciences-Po Paris qu’elle s’initie aux relations internationales. La jeune étudiante est passionnée, elle découvre des clefs précieuses d’analyse pour « poser un regard le plus objectif possible sur le monde ». Reste qu’il faut bien un jour trimer. Trois carrières s’offrent à elle : la diplomatie, la recherche ou le journalisme. C’est la troisième option que Margaux choisit. Pour qui veut exercer sa passion au quotidien, c’est le meilleur pari.
Un premier stage à Delhi la marque. Un baptême du feu avec Mère Teresa. Margaux a vingt-quatre ans, elle est touchée par la dévotion des sœurs missionnaires et résolue à donner, elle aussi, la parole aux laissés-pour-compte. La jeune femme, qui s’est fait baptiser à l’âge de quinze ans, se reconnaît dans les valeurs de l’Église catholique.
Pendant quatre ans, Margaux fait des piges pour France 24, M6, Canal +, puis elle rejoint l’équipe de « C dans l’air » sur France 5. En Ukraine, en Crimée, en Iran… la journaliste se délecte : « J’ai vu l’histoire se dérouler sous mes yeux ! » Mais, quatre ans plus tard, elle est frustrée. Elle a l’impression de tout survoler, et de manquer d’égards pour ceux qu’elle rencontre. « J’ai beaucoup couvert la crise migratoire. À Catane, en Italie, je guettais l’arrivée du navire et je “sautais” sur les gens pour obtenir une interview ; je n’avais pas d’autre choix, mes conditions de travail étaient très contraignantes. »
Les attentats de Charlie Hebdo achèvent de la convaincre. Elle est en salle de montage quand les tragiques événements se produisent. Lorsque son chef exige qu’elle publie la vidéo du meurtre d’un policier, elle est choquée. L’image est figée avant la détonation mais Margaux s’interroge. « Dans cette frénésie, j’ai compris que je devenais la courroie de transmission de la propagande djihadiste. »
Margaux a enregistré toutes les vidéos de l’État islamique avant qu’elles ne soient retirées des réseaux. La Maison des sciences de l’Homme lui propose de rédiger un rapport. Épaulée par un ancien prof de Sciences-Po, elle fonce. Margaux décrypte les vidéos, déconstruit les messages de Daech… Le travail est intense, et très éprouvant. Elle en perd le sommeil. Le rapport est publié 1 en décembre 2017. Margaux écrit un essai en suivant.
Dans le même temps, elle travaille sur son premier film et remonte la route des Balkans. Exilés donne la parole à ceux qui font face à l’afflux de réfugiés, et les confronte à leur propre histoire. Des jumelles et quelques mois plus tard, la jeune maman sillonne la France et la Belgique pour accompagner les débats que suscitent immanquablement les projections.
En septembre 2021, Margaux Chouraqui lance « Les Temps Qui Courent » sur les réseaux sociaux. Son ambition ? Raconter « ces histoires qui font l’Histoire », interroger la genèse des événements. Pour comprendre notre présent, il est impératif de connaître notre passé. Une initiative singulière pour lire la crise migratoire autrement et toucher (aussi) les jeunes, pas toujours enclins à ouvrir un bouquin. « Il faut répondre à leur demande de consommation, on s’identifie plus facilement à un témoin véridique. »
Margaux propose de courts entretiens filmés, des témoignages de vies marquées par l’Histoire. Une quinzaine d’entretiens sont déjà en ligne, soigneusement consignés dans trois séries : « 20 ans en… », « Vocation » et « Voyages héroïques ». Tous sont à visée clairement mémorielle. Et sont éminemment pédagogiques.