Est-ce que les réseaux sociaux changent le rapport des jeunes à l’information?
Je me bats contre l’idée reçue que les jeunes qui s’informent via les réseaux sociaux seraient décérébrés et ne s’intéresseraient qu’à des contenus futiles. Certes les réseaux sociaux, mais aussi les moteurs de recherche ou tous les intermédiaires entre ceux qui produisent de l’info – les médias par exemple – et ceux qui y ont accès, ont transformé notre rapport à l’information. Pour les aspects positifs, ces plateformes donnent accès à une diversité, une pluralité de voix et de sources d’informations telle que l’on n’a jamais eue! Le mauvais côté des choses, c’est que tout le travail de vérification, de hiérarchisation, de mise en contexte, d’explication, bref, tout ce qui fait le travail des journalistes dans les médias classiques, est réalisé par des algorithmes qui sont pensés essentiellement pour faire tourner le business de ces plateformes.
Ces dernières privilégient par ailleurs des logiques de viralité et d’émotion. Elles font en sorte que les internautes cliquent et qu’ils restent longtemps. Parce qu’en restant ils consomment de la publicité. J’aime dire qu’il faut oublier que Google est principalement un moteur de recherche ou qu’Instagram et Facebook sont des réseaux sociaux. Ce sont avant des outils de vente d’espaces publicitaires numériques. Pour autant, ces plateformes ont un rôle à jouer dans l’espace public et le débat démocratique. On les a utilisées comme tels pendant très longtemps en considérant que c’était devenu une sorte d’agora publique, mais en perdant de vue que ce sont avant tout des entreprises privées et que ce sont elles qui fixent les règles du jeu.
Y a-t-il un travail d’éducation à mener?
Je crois beaucoup à l’éducation, et pas seulement à celle des jeunes. Il est pour moi urgent d’éduquer au numérique les personnes qui ne sont pas nées avec ces technologies. Et quand je parle d’éducation au numérique, je ne parle pas tant d’expliquer le fonctionnement technique que d’insister sur les enjeux politiques et sociétaux de ces outils.
Les travaux de recherche menés auprès des jeunes montrent qu’ils ne sont en fait pas aussi naïfs qu’on le croit parfois. Ce sont souvent des publics en réalité plutôt critiques, notamment sur les questions de fake news, peut-être parce qu’ils sont nés avec. Ils ont un regard que je trouve assez lucide. L’un de nos projets a par exemple montré – ce qui allait à l’encontre des hypothèses – que les jeunes étaient en fait assez capables de discerner le vrai du faux, ce qui ne les empêchait pas pour autant de faire circuler des fake news, parfois par […]