Le ministère afghan de la Justice a annoncé la promulgation d’une nouvelle loi, jeudi 22 août, pour "promouvoir la vertu et prévenir le vice" parmi la population, en conformité avec la charia (loi islamique). Cette loi, qui intervient trois ans après le retour au pouvoir des Talibans en Afghanistan, oblige les femmes à "couvrir leur corps entièrement en présence d’hommes n’appartenant pas à leur famille", incluant le visage et la bouche, ce qui signifie qu’elles doivent porter un masque. Les voix des femmes ne peuvent pas être entendues en public, elles n’ont donc pas le droit de chanter, de réciter de la poésie ou de lire à voix haute. L’article 13 de la loi détaille les règles qui s’appliquent aux femmes. Elles ne doivent pas porter de vêtements fins, serrés ou courts et doivent se couvrir devant des hommes et des femmes non-musulmans pour empêcher la "corruption", précise Le Monde. Elles ne peuvent pas se maquiller ou se parfumer, ni regarder les hommes avec lesquels elles ne sont pas liées par le sang ou par le mariage.

D’autres interdits qui s’appliquent aux femmes concernent les conducteurs de véhicules. Ils ne peuvent plus transporter de femmes non voilées, des femmes en présence d’hommes n’appartenant pas à leur famille ou des femmes sans mahram (un homme de leur famille). Par ailleurs, les conducteurs de véhicules n’ont pas le droit d’écouter de la musique, de prendre de la drogue, indique franceinfo. Sont également prohibés l’adultère, l’homosexualité, les jeux d’argent, les combats d’animaux, la création ou le visionnage d’images d’êtres vivants sur un ordinateur ou un téléphone portable, l’absence de barbe ou une barbe trop courte pour les hommes, des coupes de cheveux "contraires à la charia". De même, les médias ne doivent pas publier "des contenus hostiles à la charia et à la religion".

Une situation semblable à celle des années 1990 en Afghanistan

Cette loi accroît l’autorité et l’influence du ministère de la promotion de la vertu et de la prévention du vice, qui livre une interprétation ultra-rigoriste de la charia. Les contrevenants s’exposent à des sanctions graduelles : avertissement verbal, menace, amende, garde à vue allant d’une heure à trois jours, ou autre sanction réclamée par le ministère. La justice peut être saisie en cas de récidive. Selon Mélissa Cornet, spécialiste des questions de genre en Afghanistan, interrogée par Public Sénat, cette loi renvoie le pays "à la même situation que dans les années 1990". Les Talibans ont interdit aux femmes de se retrouver ensemble dans les parcs ou les salons de beauté et elles ne peuvent pas aller à l’école après 12 ans. "L’espace d’une femme en Afghanistan aujourd’hui, c’est sa maison", déplore la spécialiste.

Mardi 27 août, l’Organisation des Nations Unies (ONU) a publié un texte demandant "l’abrogation immédiate" de cette loi. Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), souligne que cette loi "constitue une violation flagrante des obligations de l’Afghanistan en vertu du droit international relatif aux droits de l’homme". Selon Ravina Shamdasani, la porte-parole du HCDH, "le fait de priver de pouvoir et de rendre invisible et sans voix la moitié de la population afghane ne fera qu’aggraver la crise humanitaire et des droits de l’homme dans le pays".

"Des violations des droits humains"

Le 15 août 2024, trois ans jour pour jour après le retour des Talibans au pouvoir dans le pays, Amnesty International publiait un communiqué dans lequel elle écrivait "que les autorités talibanes de facto commettent des violations des droits humains et des crimes au regard du droit international contre le peuple afghan, en particulier les femmes et les filles". Ainsi, plus de 20 femmes défenseures des droits humains dans 21 provinces d’Afghanistan ont déclaré qu’elles avaient "perdu en autonomie dans tous les aspects de leur vie". Des décrets politiques restrictifs et répressifs, qui ne devaient être introduits qu’à titre temporaire pour assurer la sécurité des femmes et des filles, sont toujours en vigueur.