Sa relative indépendance est conditionnée à sa discrétion.
L’adresse se refile de bouche à oreille. Ici, une fois l’imposante porte franchie, la confidentialité est requise. Loin du chaos ambiant de Téhéran, les grandes tablées de familles arméniennes profitent de leur soirée. En cette veille d’élection présidentielle qui a vu le très conservateur Ebrahim Raïssi prendre les rênes du pays, l’ambiance feutrée de cette bâtisse Art déco des années 1950 semble filtrer les velléités politiques. George, 27 ans, joue au clavier, sa femme chante. «Nous ne pouvons pas jouer ailleurs, car une femme n’a pas le droit de chanter devant un public mixte», explique le musicien. Ainsi, la minorité chrétienne possède quelques petites poches de liberté. Lorsqu’elle se réunit, comme ce soir, les femmes peuvent enlever le hidjab. L’alcool fait maison est toléré. Le couple est retourné sur scène. Des larmes coulent le long des joues de la vieille femme qui s’occupe du vestiaire. «Elle est magnifique cette chanson. Elle parle des martyrs qui sont tombés au Haut-Karabagh», témoigne-t-elle. L’audience est émue. Ici, de nombreuses familles irano-arméniennes possèdent une partie de leur famille en Arménie. George a la double nationalité. Il a aussi vécu deux ans aux Etats-Unis et sa famille y réside toujours. Sa femme a fait la demande pour une carte verte (d’immigration) «mais vivre là-bas, économiquement, ce n’est pas possible. Quand tu arrives dans un club et qu’un Afro-Américain qui joue vingt fois mieux que toi se met à jouer, eh bien tu repars», observe-t-il.
Pourtant, cette communauté arménienne est, selon les chiffres disponibles, passée de 300’000 à 40’000 membres entre la révolution islamique de 1979 et aujourd’hui. Ses membres n’ont pas le droit de travailler pour le gouvernement. Jusqu’à récemment, la vie d’un Iranien-Arménien chrétien valait deux […]