Jean-Paul Sanfourche s’inquiète sur la condition de l’écrivain et les conditions du débat dans nos sociétés actuelles : « Quelles causes est-il, à l’heure actuelle, permis de défendre sincèrement, avec nuance, sans renoncer à la pensée complexe, sans avoir peur de s’exposer aux pires représailles, dans ce manichéisme d’atmosphère ? ».

« L’incarnation de la liberté »

«Dans cette nuit du destin a commencé un mystérieux compte à rebours» (Boualem Sansal, Vivre. Le compte à rebours. 2024).
«Je n’ai jamais ressenti un besoin suffisamment fort pour me dire je fais mes valises, je m’en vais. J’ai toujours eu la possibilité de voyager. Je peux émigrer à n’importe quel moment.»

C’est ce que déclarait l’auteur de 2084 : la fin du monde le 19 août 2015 à Amer Ouali, journaliste à l’AFP, après la publication de sa dystopie inspirée d’Orwell et comme en écho au roman de Houellebecq, Soumission. Courage ou excès de confiance imprudente ? Hardiesse inconsciente ou mépris du danger ? L’homme qui dénonçait l’aveuglement et une certaine forme d’autocensure devant la montée de l’islamisme, comparait alors le débat indispensable à une plante: «Si on ne l’arrose pas par la contradiction, il disparaît». Parole de vie contre slogans de mort. Liberté de conscience et du jugement exercé contre totalitarisme religieux. Exigence de vérité contre dogmatismes et idéologies convenues. Sagesse contre la folie des doctrines.


« Je suis sur toutes les listes noires »

Presque dix ans plus tard, le 16 novembre 2024, quelques jours après le prix Goncourt de Kamel Daoud, cette voix calme, réfléchie et non dépourvue de sérénité, voire d’espérance, fut condamnée au silence par un régime ne supportant pas le débat, préférant aux paroles vives l’épais silence des prisons. L’arrestation de Boualem Sansal ne fut connue que quelques jours plus tard, le 21 novembre 2024. En apprenant la nouvelle, sidérante, je ne sais pourquoi, j’ai immédiatement pensé à […]