Dans un courrier envoyé le 30 juillet dernier au président camerounais, Paul Biya, Emmanuel Macron reconnaît que la France a mené une « guerre » au Cameroun entre 1945 et 1971, rapporte Le Monde. Dans cette lettre rendue publique mardi 12 août, le président français indique qu’il « assume le rôle et la responsabilité de la France dans ces événements ».
Cette reconnaissance fait suite à la remise d’un rapport de 1 000 pages sur les exactions commises par la France au Cameroun durant ces années. Le chef de l’État avait déclaré lors d’une visite à Yaoundé en juillet 2022, prendre « l’engagement solennel d’ouvrir nos archives en totalité à ce groupe d’historiens qui nous permettront d’éclairer ce passé », indique un article de France24 de l’époque. Finalisé, le rapport des historiens réunis dans une commission mixte franco-camerounaise et co-dirigée par la chercheuse Karine Ramondy et l’artiste camerounais Blick Bassy, a été rendu le 21 janvier 2025 au président Macron puis une semaine plus tard à son homologue camerounais.
« Des violences répressives de nature multiple »
Dans sa missive, Emmanuel Macron estime que le rapport « clairement fait ressortir qu’une guerre avait eu lieu au Cameroun, au cours de laquelle les autorités coloniales et l’armée française ont exercé des violences répressives de nature multiple ». Il admet également que « la guerre s’est poursuivie au-delà de 1960 avec l’appui de la France aux actions menées par les autorités camerounaises indépendantes », relate Le Monde.
Ancienne colonie allemande, le Cameroun avait été partagé par la SDN (Société des Nations) en 1918 entre la France, qui en avait acquis une large partie, et la Grande-Bretagne, rembobine France24. À partir de 1945 et jusqu’en 1971, période sur laquelle s’est penchée la commission, les autorités françaises présentes sur place mènent une répression des mouvements indépendantistes puis de l’opposition politique après la déclaration d’indépendance, en 1960.
Dans le détail, les historiens ont retracé « la genèse de l’affrontement entre les autorités coloniales et les oppositions indépendantistes au prisme du temps long de la situation coloniale (1945-1955), puis le glissement des répressions politique, diplomatique, policière et judiciaire vers la guerre menée par l’armée française (1955-1960) », indiquent-ils dans leur rapport dont certains extraits ont été relayés par Le Monde en janvier dernier. Lors de cette période, la France exerce une répression violente à l’égard notamment de l’Union des populations du Cameroun (UPC) et massacre les maquis de combattants ainsi que l’un des leaders du mouvement indépendantiste, Ruben Um Nyobe. L’action des forces françaises « se poursuit malgré la transition politique et l’indépendance du Cameroun (1960-1965) – et même au-delà, l’aide française se maintenant dans le cadre de la coopération entre les deux pays (1965-1971) », poursuivent les historiens.
Une réparation symbolique
Selon les estimations de la commission, « le cumul des estimations militaires officielles permet d’évaluer le nombre de combattants tués entre 1956 et 1962, période de plus forte implication des troupes françaises, à quelque 7 500 individus ». Un chiffre qui pourrait en réalité se porter à « plusieurs dizaines de milliers » de victimes camerounaises. Des assassinats accompagnés de « déplacements forcés des civils vers des camps dits “de regroupement” » ou de « pratiques de torture ». Les auteurs précisent que s’ils ne disposent « d’aucune compétence juridique pour qualifier ces pratiques de “génocidaires”, il est indéniable que ces violences ont bien été extrêmes, car elles ont transgressé les droits humains et le droit de la guerre ».
Interrogée mercredi 13 août par la chaîne télévisée France24, la chercheuse Karine Ramondy salue cette reconnaissance « très attendue » qu’elle voit comme « une réparation symbolique très forte », la question des réparations politiques ou financières n’ayant pas été abordée pour l’heure, indique RFI.