Esther Duflo verrait d’un bon œil que les pays développés assument la responsabilité du réchauffement climatique. “C’est ce que j’appelle ‘une dette morale’. Ce n’est pas ce que cela coûterait de s’adapter ; ce n’est pas ce que cela coûterait d’atténuer. C’est ce que nous devons”, a-t-elle expliqué au Financial Times lundi 22 avril. La lauréate 2019 du prix Nobel d’économie chiffre ce montant en se basant sur les travaux d’un confrère. Ceux-ci prennent essentiellement en compte l’effet du réchauffement climatique sur la mortalité dans les pays pauvres.

En s’appuyant sur une étude du Global Impact Lab réalisée en 2020, elle insiste sur le fait qu’il “y aura des dégâts énormes”. Grâce à ces travaux, l’économiste a démontré que le nombre de décès liés à la chaleur risquait d’augmenter fortement dans les pays pauvres d’ici à la fin du siècle. “Ces dégâts seront concentrés dans les pays pauvres en dehors de l’OCDE”, précise-t-elle.

100 milliards de dollars

Alors que 10 % de la population mondiale vivent dans les pays du G7, ceux-ci émettent près d’un quart du CO2 lié au système énergétique mondial, selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Esther Duflo se réfère aux travaux d’un confrère américain, Michael Greenstone, qui évalue à 37 dollars (34,61 euros) le coût d’une tonne de carbone, en partant d’une valeur monétaire donnée pour une année de vie et de l’effet du réchauffement climatique sur l’augmentation de la mortalité. Il multiplie ensuite ce montant par la quantité d’émissions annuelles attribuables à l’Europe et aux États-Unis, soit 14 milliards de tonnes de CO2, d’où une “dette morale” de 518 milliards de dollars (484,95 milliards d’euros).

Pour réunir ce montant, Esther Duflo propose d’augmenter le taux minimal d’imposition des multinationales, mais aussi de taxer les grandes fortunes. La combinaison de ces deux mécanismes permettrait, selon elle, de couvrir l’enveloppe annuelle. Pour le moment, les pays riches doivent s’acquitter d’une aide financière climatique de 100 milliards de dollars (93,55 milliards d’euros) par an. Un montant qui pourrait bien évoluer. En novembre prochain, la COP29 établira le nouveau montant de cette enveloppe, au-delà de 2025.