S’agissant de la question environnementale, le consensus scientifique n’est pas ce qui nous réunit, soutient la philosophe Catherine Larrère dans une tribune publiée dans Le Monde. Ce qui nous réunit, dit-elle, “c’est le lien social et politique qui émerge des conflits portés par de multiples et inventives voix du terrain”. Et de citer l’appel de Menton lancé par plus de 2000 scientifiques de 23 pays en 1971 : “Ce qui nous divise est infiniment moins important que ce qui nous lie et le péril qui nous unit”.
La philosophe rappelle que, à l’époque, cet appel présentait les dangers qui menaçaient la planète tout en affirmant que l’espoir n’était pas perdu, notamment si, cite-t-elle, “écartant nos mesquins et égoïstes intérêts, nous visons à satisfaire les besoins de tous les hommes”. Elle se demande si, finalement, cinquante ans plus tard, nous n’en sommes pas toujours là. Néanmoins, Catherine Larrère avance qu’il ne faut pas passer outre la question politique du dérèglement climatique. Pour elle, “la question écologique n’est pas une dimension sectorielle sur laquelle il suffirait de nommer un comité scientifique. Elle affecte tous les aspects de nos vies, elle s’entremêle avec les conflits existants et en fait surgir de nouveaux : on le voit sur la question des migrants.”
Assurer l’habitabilité de la Terre
Elle prend exemple sur le sujet des émissions de gaz à effet de serre : “On peut réduire les émissions de luxe, de façon à exclure d’imposer aux plus pauvres de restreindre leurs besoins pour faire face au changement climatique. La justice climatique consiste à savoir comment diminuer les émissions sans aggraver les inégalités sociales”, dit-elle. Se préoccuper des besoins ne suffit pas, “il faut réorganiser les façons de produire, de transformer les pratiques, là où elles interviennent et où elles sont destructrices.”
Catherine Larrère cite enfin Bruno Latour soutenant que l’objectif est “d’assurer l’habitabilité de la Terre, dans la diversité et la multiplicité des milieux de vie.” L’important, explique-t-elle, ce n’est pas la gestion de la pénurie, mais la recherche de la vie bonne. “C’est au sein des sociétés civiles que se rassemblent les forces capables non seulement de pousser les gouvernements à agir, mais de développer les initiatives permettant de changer la vie.” Mais, avertit-elle, cela ne se fait pas sans conflits, prenant exemple d’initiatives qui parviennent à se développer mais se heurtent à la répression, et nécessitent ainsi “d’engager la lutte” .