1922 : le commencement 

C’est dans les bouleversements de la première guerre mondiale, à Alep dans une Syrie qui n’existait pas encore comme nation indépendante, qu’allaient se croiser les itinéraires de gens aux aspirations fort diverses. Un pasteur alsacien soucieux de répondre à l’appel de Dieu et envoyé par une mission allemande pour créer dans tout le Proche Orient des foyers pour les soldats allemands et autrichiens. Des arméniens épuisés rescapés d’un horrible génocide et en proie à des épidémies de choléra et de typhus. Des enfants qui, pour survivre, mangeaient de l’herbe au milieu des cadavres… 

Paul Berron – c’est le nom du pasteur – y a vu un signe de Dieu. Devenu citoyen français avant même d’être rentré chez lui, c’est dans une coopération au-delà des frontières qu’il a lancé l’œuvre de sa vie. Dès décembre 1922, quelques jours seulement après la fondation de l’Action Chrétienne en Orient, les deux premières envoyées, Hedwige Bull, une réfugiée estonienne, et Alice Humbert-Droz, de Suisse romande, sont parties commencer leur travail dans une Syrie placée entre temps sous mandat français.

Six partenaires en Orient et en Europe sur un total pied d’égalité

Il fallait d’abord aider les survivants arméniens et syriaques du génocide, matériellement et spirituellement. Cela s’est fait à travers des travaux de tissage et de broderie, et des rencontres autour de la Bible, et tout un travail médical, sanitaire et social : distribution de repas, ouverture d’un hôpital, camps de vacances et animations pour les enfants… De nouvelles collaboratrices sont venues rejoindre les premières envoyées : Marie Steyger de Cleebourg en 1926, Cathy Ostermann de Wangen en 1932, infirmières toutes deux, Hélène Hartmann en 1948 et Alice Ulmer en 1956, toutes deux de Suisse… Une « station missionnaire » a été construite aux abords de la ville : un premier bâtiment en 1933 pour les ateliers de tissage et de couture, puis un deuxième avec une chapelle et deux petites cliniques, dentaire et gynécologique, et des logements aussi. L’ensemble fut appelé Église du Christ, pour bien marquer au nom de qui le travail était fait. Jusqu’à 15 personnes y travaillaient, en lien avec les Églises protestantes et la société biblique.

Très rapidement, le travail missionnaire s’était étendu à la région de la Djézireh à l’Est du pays : Hassaké, Kamichliyé, Malkiyeh, et la vallée du Khabour, un affluent de l’Euphrate avec 32 villages de réfugiés chrétiens. Hélène Maurer, autre Alsacienne, y fut envoyée en 1934, et Anne-Marie Beck-Tartar en 1938. Puis il y eut aussi des collaborations avec l’Église protestante arabe : à Alep, à Damas, Homs, Lattaquié, Kharaba, sans oublier le témoignage envers les musulmans.

En 1954, il fut décidé d’intégrer le travail de l’ACO dans l’Église évangélique arménienne, et en 1958 aussi dans le Synode évangélique arabe. Les conventions d’intégration furent signées en 1962 et en 1964. A partir de 1990, une nouvelle étape fut mise en chantier. Elle aboutit à la création en 1995 du Fellowship ACO : six partenaires en Orient et en Europe sur un total pied d’égalité ! Tous allaient participer aux décisions, et s’engager financièrement pour des projets communs. La fraternité prenait un nouveau visage…

Par Ernest Reicher

1995 : le passage au Fellowship ACO 

Depuis 1995 les actions soutenues par l’ACO en Syrie se placent essentiellement dans le cadre du Fellowship, structure multinationale. De manière très concrète, les six partenaires se rencontrent chaque année pour échanger, proposer des projets et les financer à travers un budget commun.

Les deux membres du Fellowship présents en Syrie sont l’Union des Eglises Evangéliques Arméniennes du Proche-Orient (UAECNE) et le Synode Arabe (NESSL). Ce sont donc ces deux Églises qui proposent à l’ensemble du Fellowship les projets à soutenir pour la Syrie : les choix sont ainsi guidés par les acteurs de terrain et s’inscrivent dans les orientations générales de ces deux Églises. Ce fonctionnement coopératif permet à l’ACO d’être véritablement au service des partenaires.

Depuis des années, l’Union fait le choix de demander au Fellowship un soutien dans la durée à l’Église du Christ à Alep. Cette institution originale est à la fois lieu d’Église, centre de soin pour les plus modestes (dispensaire médical généraliste et dentaire), lieu d’écoute et d’entraide. Animé par le pasteur Bchara Moussa Oghli, l’Église du Christ accueille aussi bien en arménien qu’en arabe et si une majorité de chrétiens du quartier fréquentent la maison, des musulmans viennent aussi pour les soins…ou pour des échanges amicaux, voire des rencontres interreligieuses.

Le conflit a révélé encore davantage l’importance du lieu et de sa mission. Malgré la proximité de la ligne de front et les bombes ciblant les civils, Bchara et son épouse Houri ont fait le choix de rester pour être au service de tous ceux qui, de plus en plus nombreux, ont eu besoin de soins et d’écoute. L’approvisionnement indispensable en eau et en électricité a été sécurisé par des travaux au plus fort des combats alors même que beaucoup de chrétiens prenaient la route de l’exil. La sécurité est depuis revenue à Alep mais les besoins sont toujours aussi importants dans l’accompagnement médical, psychologique et spirituel.

Un soutien fort à la formation spirituelle et théologique

De son côté le Synode Arabe fait le choix de renouveler régulièrement les projets proposés au Fellowship. Ces dernières années l’ACO a notamment contribué à la rénovation de l’église de Malkieh près de la frontière irakienne, aux travaux à la maison de retraite de Homs, abîmée par les combats. 

Actuellement nous soutenons fortement la formation spirituelle et théologique mise en place par le Synode : si les rencontres des différents groupes (enfants, jeunes, adultes, femmes, conseillers, pasteurs…) se font au Liban, elles accueillent beaucoup de Syriens qu’il faut subventionner tant leurs moyens économiques sont réduits. Ces rencontres sont fondamentales pour la vie d’Église dans cette situation de crise.

À côté de ces projets du Fellowship, qui s’inscrivent dans la durée, des soutiens particuliers liés au conflit syrien sont également mis en place par le comité français. Grâce aux donateurs nous pouvons notamment contribuer à l’aide d’urgence des paroisses du Synode destinées au soutien des familles les plus appauvries et au fonctionnement des écoles pour enfants syriens réfugiés au Liban.

Les liens entre l’ACO et la Syrie sont toujours aussi vivants qu’il y a cent ans : c’est dans ce partage au milieu des crises que notre foi commune au Christ nous renforce ici et là-bas. 

Par Mathieu Busch