Qui dit pasteur, pense communauté. C’est d’abord à une paroisse qu’on associe ce terme plus qu’aux autres choses. Alors que ces « autres choses » forment bel et bien une bonne partie de l’occupation du pasteur des communautés francophones du Caire et d’Alexandrie. Entre autres approfondir les relations entre le protestantisme francophone de tradition luthéro-réformé et le protestantisme égyptien. Ceci à travers les implications de l’ACO dans des programmes du Ceoss, Coptic Evangelical Oganization for Social Services, qui favorisent le dialogue entre les religions, ou la formation théologique, en collaboration avec l’ETSC, Evangelical Theological Seminary in Cairo.

Oui, importante, très importante même

Mais parlons aujourd’hui davantage de ce qu’on associe en premier lieu au titre de pasteur. «Est-elle importante la communauté francophone ? » C’est, à coup sûr, toujours la première question que l’on me pose. Oui, importante, très importante même, mais pas en nombre. Il nous arrive d’être dix personnes qui se réunissent pour le culte et pourtant c’est chaque fois comme si j’étais devant l’histoire concentrée de toute l’humanité. Rien n’est superficiel. Ce n’est pas par hasard ou par habitude qu’elles sont là. C’est qu’elles veulent être là. Même deux heures de transport en commun pénible, rien que pour l’aller, ne les découragent pas. Tous ces gens témoignent de la vie, dans ce qu’elle nous réserve de plus beau comme dans ce qu’elle nous réserve de plus laid. Certains sont fatigués, ou humiliés par la vie difficile qu’ils mènent, mais aussi enthousiasmés, au sens propre du terme grec, et rayonnants d’une dignité qui inspire espérance, confiance et foi. Un drôle de peuple, entre les nationalités, dénominations et cultures si différentes qui se retrouve là pour célébrer ensemble. C’est le peuple de Dieu qui prie et chante, en quête d’une parole qui fasse vivre.

« Cela vaut-il le coup d’envoyer un pasteur pour une si petite communauté ?»

Et voilà, elle est tombée, la deuxième question inévitable, qui touche la question de l’efficacité et de la performance du poste et le droit de l’existence de cette Eglise. Malgré moi, je me retrouve en situation de défense et déclare que la paroisse du Caire est indispensable, car sans elle tous les autres projets ne seraient pas bien envisageables. Par exemple, à Alexandrie, un grand groupe d’étudiants africains de l’Université de Senghor est accueilli chaque année à l’église… Il y a tant de choses qui justifient l’envoie d’un pasteur. Et ce n’est pas tout.

«Quand tu me racontes que tu vis l’église avec 10 personnes, je souris, c’est bien ainsi que je vois l’église aussi. » me disait un ami en France récemment. Puis il me parle de la puissance du symbolique et de la lenteur. Oui, on peut s’interroger sur la performance et l’efficacité. Sur l’effet illusoire de performance que l’efficacité technologique fait miroiter. Oui, et l’Eglise est prise dans ce tourbillon également.

Peut-être faut-il revenir à l’intelligence lente, à la littérature, aux arts, à la recherche des mots justes et des gestes significatifs, à l’inspiration pour nommer les choses, qui travaillent sur le long terme et qui reçoivent nos façons de nous interroger. Qui peut savoir ce que le petit groupe autour du pasteur en Egypte peut porter pour l’avenir ? Qui peut dire si cette communauté ne serait pas par hasard très performante ?