Au secours de l’Europe vient l’Europe elle-même. Jeudi 6 mars, les 27 États membres de l’Union européenne ont donné leur feu vert au plan de réarmement du Vieux-Continent. Un plan de défense et de sécurité estimé à 800 milliards d’euros, rapporte La Tribune, dont 150 milliards sous forme de prêts. Une somme conséquente allouée au protectionnisme européen mais qui semble à la mesure de la situation géopolitique instable qui flotte en ce moment de l’Orient à l’Occident. « Aujourd’hui, nous avons écrit l’histoire », a ainsi déclaré la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, à la fin du sommet qui s’est tenu à Bruxelles jeudi.
Au-delà des mots et des chiffres, le plan nommé solennellement “Réarmer l’Europe” se présente en cinq mesures majeures, comme le souligne Public Sénat. La première, la plus concrète, concerne les 150 milliards d’euros de prêts. Cet argent sera mis à disposition des 27 vers des secteurs industriels “considérés comme prioritaires et urgents” tels que la défense anti-aérienne, la production de missiles, de drones ou encore d’artillerie. Vient ensuite la volonté d’inciter les États membres à augmenter leurs budgets nationaux destinés à la défense. Pour ce faire, Ursula von der Leyen a annoncé qu’elle proposera aux dirigeants européens d’activer la clause du pacte de stabilité et de croissance permettant de déroger aux règles budgétaires, rapporte Public Sénat. Ainsi, les dépenses militaires ne seront pas prises en compte dans le calcul du déficit européen.
Les 27 veulent travailler sans l’aide américaine
En renforçant la production d’armement sur le sol européen et en supprimant la censure du budget des États alloués à la défense des territoires, la présidente de la Commission européenne ne cache pas son souhait de pouvoir agir sans le recours à l’aide américaine. Un cap que l’Europe peut maintenir si elle s’appuie sur les forces et les équipements qu’elle possède. À titre d’exemple, la France compte quatre entreprises spécialisées dans la conception d’engins et de matériels militaires : Airbus, spécialiste de l’action ; Thales et Safran, experts en conception de moteur, ou encore Dassault Aviation, fabricant du Rafale.
De son côté, l’Allemagne a Rheinmetall et son char de combat PUMA. L’Italie fait aussi partie des discussions puisqu’elle compte l’entreprise Leonardo, fabricant d’hélicoptères. Sans oublier la Suède, qui a récemment rejoint l’OTAN. Avec SAAB, producteur d’avions et de sous-marins de combat, l’État du Nord de l’Europe peut offrir de quoi réarmer le Vieux-Continent, comme le rappelle l’émission d’Arte Le Dessous des Cartes.
“La paix, ce n’est possible qu’avec le soutien de l’UE”
Sans surprise, un tel engagement des 27 vient à satisfaire de nombreux dirigeants et le président français en premier lieu. La veille de la signature du plan de réarmement, Emmanuel Macron s’est adressé à la population française à la télévision. Il a rappelé que la “Russie est devenue une menace pour la France et pour l’Europe”, et qu’il fallait pour la contrer, que l’Europe de la défense devienne “une réalité.” De plus, la France étant la seule nation européenne à posséder l’arme nucléaire, Emmanuel Macron soutient la volonté de protéger le sol européen en brandissant un parapluie nucléaire français sur les 26 autres États membres. Une hypothèse saluée par certains dirigeants jeudi 6 mars, précise Les Echos.
Pour l’heure, la doctrine européenne suggère de se préparer à l’effort de guerre tout en poursuivant les discussions d’un accord de paix entre Kiev et Moscou. À ce titre, Ursula von der Leyen n’écarte pas les États-Unis mais rappelle à Donald Trump que s’il “veut parvenir à la paix, ce n’est possible qu’avec le soutien de l’UE et de ses États membres”. L’Europe compte donc bien faire partie du jeu diplomatique et son plan de réarmement ne s’arrête pas là. Outre les deux premières mesures, la possibilité d’utiliser le fonds de cohésion destiné aux régions les plus défavorisées a été mise sur la table, ainsi qu’un éventuel recours à la Banque européenne d’investissement (BEI) pour financer davantage de projets liés à la défense. Enfin, le recours au secteur privé est également dans la balance.
En adoptant un plan de réarmement à près de 800 milliards d’euros, les 27 semblent être conscients qu’il n’est plus question de compter leurs économies. Dans un contexte où la crise diplomatique est aussi fragile que la situation financière des pays, l’avenir de l’Europe doit se dessiner pour le bien de ses membres avant celle de ses partenaires économiques et politiques. Avec ou sans l’aval des États-Unis, le Vieux-Continent veut montrer qu’il a sa place à toutes les tables, en défense comme en attaque et surtout à celle des négociations.