Le président iranien, Ebrahim Raïssi, est mort, dimanche 19 mai, dans un accident d’hélicoptère. L’annonce de son décès a donné lieu à des manifestations de joie, à Téhéran notamment. Et ce, alors que le pouvoir reste bien en place. En effet, comme l’explique Jonathan Piron, historien spécialiste de l’Iran pour le centre de recherche Etopia à Bruxelles, à France 24, le guide suprême, Ali Khamenei, est l’homme fort du pouvoir. Selon le spécialiste, les marges de manœuvre iraniennes sont limitées.

D’ailleurs, il n’hésite pas à qualifier de “faible” le bilan des trois années passées au pouvoir d’Ebrahim Raïssi, ultraconservateur. Trente-six mois notamment marqués par le mouvement “Femme, Vie, Liberté” après la mort de Mahsa Amini. Alors que l’Iran a entamé un deuil de cinq jours, le chercheur insiste sur l’impopularité d’Ebrahim Raïssi. Si le décès du Président est un moment fort dans la vie politique iranienne, la continuité du pouvoir est assurée. “Les institutions sont en place et l’article 131 de la Constitution prévoit ce type d’événement avec un intérim et l’organisation d’une nouvelle élection dans un délai maximum de cinquante jours. Rappelons que le président de la République en Iran est davantage un exécutant. Le vrai détenteur du pouvoir, c’est le guide suprême de la Révolution iranienne, Ali Khamenei”, souligne Jonathan Piron.

“Des décisions du quotidien”

Le guide suprême contrôle tous les leviers. C’est également lui qui tranche en cas de désaccord à propos des grandes orientations stratégiques. Si bien que, “dans l’immédiat”, il n’y aura pas de changements dans la manière dont la politique est menée en Iran. Une stabilité qui vaut aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays.

Pour autant, le Président n’est pas un pantin. “Il prend de nombreuses décisions au quotidien, notamment au niveau économique, mais il reste contraint par les luttes de pouvoirs qui se jouent en coulisses et par l’omniprésence du guide suprême”, précise le chercheur. Il dispose donc d’une marge de manœuvre qui varie au gré de ses relations avec Ali Khamenei et les Gardiens de la révolution. Hassan Rohani, le prédécesseur (modéré) d’Ebrahim Raïssi, s’est ainsi retrouvé en difficulté parce qu’il souhaitait prendre des décisions en phase avec ses propres orientations. En revanche, la présidence d’Ebrahim Raïssi, entouré d’ultraconservateurs, a été marquée par une vraie cohésion politique avec le guide suprême.

Les personnalités modérées marginalisées

Ebrahim Raïssi n’a pas tenu ses promesses pour autant. “Il avait promis de venir en aide aux déshérités, aux précaires. Or, sur le plan social et économique, sa présidence est un échec. Il n’a pas réussi à redresser la barre du pays, avec un taux d’inflation qui reste élevé et qui dépasse les 40 % depuis plusieurs mois.” Il a également dû faire face à des manifestations quasi quotidiennes de certaines catégories de la population demandant des augmentations salariales ou encore le versement des pensions. Sa présidence est aussi devenue le symbole d’une fracture grandissante entre le régime et la population. Pour ne rien gâcher, à la fin des années 1980, Ebrahim Raïssi avait été impliqué dans l’exécution de milliers de prisonniers politiques, ce qui lui avait valu le surnom de « boucher de Téhéran ».

À propos de la campagne à venir, Jonathan Piron prédit qu’elle sera très courte. Il y a quelques années, s’il y avait encore de la place pour des personnalités modérées, celles-ci sont désormais marginalisées. “Tout a été fait ces derniers temps pour faciliter le maintien au pouvoir des ultraconservateurs.” Le chercheur ajoute : “La mort d’Ebrahim Raïssi vient chambouler cet édifice et il va falloir trouver un remplaçant ayant les mêmes caractéristiques et capable de rassurer le noyau dur du régime.”

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