Les chiffres donnés par le ministère de la Santé du Hamas font état de près de 4 500 enfants tués depuis le début de la riposte israélienne. Bien qu’invérifiables, ils se rapprochent des estimations faites par l’ONG Save the Children. Selon elle, “au cours du mois dernier, 4 008 enfants ont été tués à Gaza, et 1 270 autres enfants sont portés disparus”. Ces derniers sont présumés enterrés sous les décombres. Dans un communiqué publié mardi 7 novembre, et repéré par Le Parisien, l’ONG parle également de 31 enfants tués en Israël lors des attaques du Hamas du 7 octobre, et de 43 en Cisjordanie. Là, le nombre de mineurs abattus par les soldats israéliens était déjà au plus haut depuis quinze ans avant même le début du conflit. Préoccupée par le bien-être physique et émotionnel des enfants dans toute la région comme en Cisjordanie et en Israël, Save the Children souligne que la santé mentale des enfants à Gaza a dépassé le point de rupture.
L’ONU et l’UNICEF ont également fait un point sur la situation. Ils qualifient la bande de Gaza de “cimetière pour enfants”. Les mineurs et les femmes représenteraient 67 % des victimes. “On croit à ce pourcentage, car on le voit tous les jours”, explique le Dr Adnan al-Wahaidi, pédiatre à Khan Younès, joint par Le Parisien. Jonathan Crickx, porte-parole de l’UNICEF dans les territoires palestiniens, précise : “On n’a jamais vu une escalade de violence dans la bande de Gaza qui ait fait tant de victimes parmi [la population]. Le nombre de morts est affolant.”
Densité de population
Ces chiffres s’expliquent par la densité de population dans la bande de Gaza, l’une des plus importantes au monde. Et sur 2,3 millions de Gazaouis, la moitié a moins de 18 ans. “Sur un territoire aussi dense, il est impossible de mener des frappes différenciées qui ne visent que les infrastructures du Hamas”, juge Agnès Levallois, vice-présidente de l’Institut de recherche et d’études Méditerranée Moyen-Orient.
À cela s’ajoute le fait que, généralement, dans les zones de conflit, les femmes et les enfants sont les plus vulnérables. “Les plus jeunes ont des besoins très forts en nutrition et en eau potable. Par ailleurs, le stress favorise la violence domestique. Et à Gaza, quand les familles de réfugiés trouvent un abri, les hommes dorment dehors tandis que femmes et enfants restent à l’intérieur. Ils se croient plus en sécurité mais ce sont les bâtiments qui se font bombarder”, décrit Louise Bichet, responsable du pôle Moyen-Orient au sein de Médecins du monde.
Maux physiques et psychiques
À Gaza, les professionnels de la santé, dont les équipes de Médecins sans frontières, voient un tel afflux d’enfants blessés dont la famille a été décimée qu’ils ont inventé un nouveau sigle : “WCNSF” (“wounded child no surviving family”, ce qui signifie “enfant blessé sans famille survivante”). Ils précisent que le risque que ces enfants meurent de leurs blessures n’a jamais été aussi élevé.
Pour mémoire, un tiers des hôpitaux ne sont plus opérationnels à cause des coupures d’électricité et du blocus imposé par Israël. Il empêche l’acheminement de carburant et de médicaments, si bien que des enfants ont été amputés sans anesthésie. En plus d’infliger des blessures et des maux physiques tels que la diarrhée, la déshydratation ou des brûlures, la guerre affecte la stabilité psychologique des enfants. “La violence, le chagrin, l’incertitude causent de graves dommages aux enfants qui n’ont aucun endroit sûr où aller”, complète Save the Children.
Risque de radicalisation
En résultent des cauchemars, des insomnies, parfois accompagnés d’un repli sur soi. Avant le 7 octobre, “plus de la moitié des parents avec qui nous avons parlé ont déclaré que leurs enfants s’automutilaient ou avaient des pensées suicidaires. Leur souffrance est indicible”, souligne Jason Lee, directeur de l’ONG pour le territoire palestinien occupé dans un communiqué. Du côté de Médecins du monde, on avait également constaté un besoin d’accompagnement “au minimum psychologique” pour une grande partie de la population civile. Depuis le début du conflit, en raison des dégâts, la situation s’est encore aggravée. “Nous buvons de l’eau salée depuis dix jours. Mes filles, âgées de 7 et 4 ans, souffrent de déshydratation et de diarrhée”, témoigne une collaboratrice de l’UNICEF à Gaza.
Agnès Levallois explique au Parisien que “les enfants risquent d’en sortir [du conflit] avec un esprit de vengeance, une haine décuplée à l’égard d’Israël. Si aucun processus politique n’est mis en place à l’issue de ce conflit, les jeunes Palestiniens pourraient se radicaliser et rejoindre des mouvements plus extrémistes que le Hamas. Cela ne peut engendrer qu’une violence encore plus forte”. Aussi, pour Médecins du monde, le cessez-le-feu est “une urgence absolue”. “Il faudra grandir avec les événements indélébiles de ces dernières semaines. L’aide, ce sont aussi des secours psychologiques d’urgence. Plus vite elle entrera, plus on leur donnera une chance de se reconstruire après une telle violence.”