2106 défenseurs de l’environnement ont été tués depuis douze ans, selon l’ONG Global Witness. Un chiffre sans doute bien inférieur à la réalité, en raison de la difficulté à collecter les informations dans certaines régions. Parmi elles, l’Amérique latine sort du lot, souligne RFI. Sur les 196 assassinats répertoriés en 2023, 79 ont été perpétrés dans l’un de ses pays : la Colombie. Un bilan de plus en plus lourd depuis trois ans. En effet, en 2021, 33 victimes étaient à déplorer et 60 en 2022. La majorité de ces crimes ont eu lieu dans le sud-ouest du pays, dans les régions du Cauca (26), du Nariño (9) et du Putumayo (7).

De manière générale, avec 166 assassinats sur 196, “l’Amérique latine est une région vraiment dangereuse. La société civile est très impliquée dans la défense de l’environnement. C’est une bonne nouvelle et cela nous rend optimistes, car il y a un bon travail de plein d’organisations nationales diverses”, commente Laura Furones. Auteure principale du rapport, elle ajoute : “La contrepartie, c’est que ces groupes sont exposés à un haut niveau de violence, précisément parce qu’ils font ce travail de documentation et de dénonciation. C’est ce qui explique que chaque année, les chiffres sont pires qu’en Afrique ou en Asie.” Effectivement, le Brésil avec 25 assassinats, le Mexique et le Honduras (18) suivent. Au Nicaragua, 10 défenseurs de l’environnement ont été tués en raison de leur mobilisation. Le Guatemala et le Panama totalisent chacun quatre victimes.

Des groupes criminels

Dans le cas de la Colombie, qui peine à tourner la page de décennies d’une guérilla intestine, “le contexte social et politique reste très compliqué”, explique Laura Furones. Des groupes armés sont encore présents sur le terrain afin de garder la mainmise sur le territoire. “Les groupes de défense des ressources naturelles sont confrontés à ces groupes criminels et la violence s’intensifie par rapport à d’autres pays de la région”, poursuit-elle. Cette lutte contre l’accaparement des terres explique pourquoi les membres des communautés autochtones et des Afro-descendants représentent quelque 50 % des victimes. Un constat qui vaut pour tous les pays.

Mais en Colombie, ce problème est illustré par “le programme de substitution des produits agricoles à la production de coca. Plein de petits producteurs qui produisaient de la coca ont changé pour une production agricole légale et subissent des attaques”, décrit Laura Furones. Les groupes rebelles prélèvent un impôt sur la culture de coca et un changement de production pèse sur leurs finances.

Des menaces pèsent sur la prochaine COP

Pourtant, cet automne, la Colombie accueillera à Cali la conférence des Nations unies sur la biodiversité (COP16). Un choix qui suscite des inquiétudes quant à la sécurité des participants. Deux dissidences des FARC refusent l’accord de paix de 2016. Ces groupes font peser une menace sur l’événement, lors duquel des milliers de participants et négociateurs politiques sont attendus.

Si les assassinats de défenseurs de l’environnement se produisent majoritairement en Amérique latine, l’Asie n’est pas en reste. “Les chiffres plus bas qu’en Amérique latine ne veulent pas dire que la situation est moins dangereuse. C’est davantage lié au manque d’informations qu’à une situation de sécurité réelle”, analyse l’auteure principale de l’étude. Pour la même raison, l’ONG a enregistré quatre meurtres de défenseurs de la nature en 2023. Un chiffre probablement “largement sous-estimé”.

Peu d’enquêtes ouvertes

En Asie, c’est aux Philippines que le nombre de meurtres de militants (17) a été le plus élevé en 2023. Dans ce pays, qui totalise 298 assassinats depuis 2012, Global Witness dénonce des enlèvements en hausse.

Au niveau mondial, la majorité des assassinats sont liés aux secteurs minier, forestier et agro-industriel. Laura Furones indique que l’identification des commanditaires des crimes est rarissime. “On a vu avec nos partenaires, en Colombie ou au Mexique, que le niveau d’impunité est pratiquement absolu : plus de 90 % des cas ne mènent à aucune enquête. Cela envoie un message très dangereux parce que cela incite à la poursuite de cette violence”, résume-t-elle. Dans le rapport, elle met également en avant la criminalisation croissante des militants écologistes dans les pays du Nord. “Les lois sont de plus en plus utilisées comme armes contre les défenseurs, et des peines sévères sont plus fréquemment imposées à ceux qui ont joué un rôle dans les manifestations pour le climat”, écrit l’ONG.