Le Liban traverse, une nouvelle fois dans son histoire, une guerre. Celle qui oppose Israël avec le Hezbollah, la milice chiite armée. Le sud du Liban est un champ de ruines, la banlieue sud de Beyrouth, une ville fantôme et beaucoup de villages sont très touchés dans la plaine agricole de la Bekaa. La conséquence, c’est un million et demi de femmes, d’hommes, d’enfants qui ont été jetés sur les routes.
L’État libanais n’existe pratiquement plus et personne ne sait comment gérer des déplacés qui représentent un quart de la population libanaise. Il n’y a évidemment aucun espoir pour que, dans un avenir plus ou moins proche, ils puissent rentrer chez eux et reconstruire.
Un risque accru de tensions communautaires
Le risque est grand de voir monter des tensions communautaires. La communauté chiite, qui paye plus que les autres le prix de cette guerre, est regardée avec beaucoup de suspicion par les autres communautés religieuses, et les régions dites chrétiennes hésitent à les accueillir par crainte que des responsables du Hezbollah ne se cachent parmi eux et que cela n’entraîne une attaque d’Israël. Pourtant le Liban de demain se joue dans la capacité des communautés religieuses à travailler ensemble et non plus à côté les unes des autres. Beaucoup de Libanais en veulent au Hezbollah de les avoir contraints à une guerre qui n’est pas la leur. Pourtant, pour préparer l’après-guerre, il faudra tout faire pour ne pas humilier la population chiite. Si des tensions sont perceptibles, il y a aussi beaucoup de gestes de solidarité ; les communautés protestantes sont ainsi solidaires des populations déplacées sans regarder à leur appartenance religieuse.
Le protestantisme peut-il jouer un rôle demain ?
Le protestantisme libanais est très minoritaire. La Fédération protestante libanaise, fondée en 1937 sur le modèle de la Fédération protestante de France, regroupe dix-sept unions d’Églises et couvre le Liban et la Syrie. On compte une centaine de paroisses protestantes dont la majorité sont au Liban et réparties dans tout le pays. Le protestantisme a un énorme atout au Liban : il n’a jamais été présent dans les lieux de pouvoir et il ne s’est jamais compromis dans la gestion calamiteuse de l’État.
Le protestantisme libanais comme confession religieuse est apolitique et certains pensent qu’il serait en mesure de jouer les médiateurs entre les communautés pour poser les fondements d’une nouvelle citoyenneté libanaise et faire accepter que l’identité religieuse soit seconde par rapport à l’appartenance à la nation. Le protestantisme est parfois implanté dans des lieux où il n’y a aucune autre présence chrétienne, dans certains villages du Sud-Liban par exemple. Il est en dialogue avec des milieux chiites ouverts à l’interprétation des textes.
Dernier atout du protestantisme pour jouer un rôle dans la future reconstruction : il a été la dernière religion à s’implanter dans le pays, aux alentours de 1820 ; il n’a donc ni passif territorial, ni passif historique, ni passif politique.
Reste dans ce tableau idyllique qu’il n’existe, pour l’instant, aucune instance de dialogue au niveau national qui pourrait entamer une réflexion pour repenser l’identité libanaise. La grande crainte d’hier comme d’aujourd’hui est la fuite des élites capables de porter un tel mouvement.