« Ce qui frappe en discutant avec les chrétiens, des patriarches aux réfugiés, c’est le soutien qu’ils accordent au régime syrien qu’il jugent seul capable d’arrêter les islamistes et de les protéger…Et ils critiquent l’Occident, l’Europe et la France qui font preuve, selon eux, d’aveuglement. » Ces mots de Patrick Karam, président de la Coordination des Chrétiens d’Orient en Danger, de retour d’une mission d’évaluation de la situation en Syrie en avril 2016 illustre bien le décalage par rapport aux discours médiatiques et politiques qui prévalent en Europe, au nom des droits de l’Homme. Comment comprendre l’incompréhension qui s’est installée entre chrétiens d’Occident et d’Orient ?
Retour sur le passé
Avec la prise de Damas en 635, l’expansion musulmane s’est faite au détriment des communautés chrétiennes qui ont connu une lente réduction de leur membres et de leur influence sous le statut de protégés – dhimmi – qui leur garantissait la liberté religieuse au prix d’un impôt spécifique et de restrictions dans la vie sociale et politique. A dire vrai un régime relativement favorable en période de prospérité mais source de discriminations et de répressions lors de crises économiques ou politiques. Le fossé s’est creusé à l’époque des Croisades et plus récemment de la colonisation européenne. En effet, les chrétiens d’Orient ont été volontiers perçus comme des alliés naturels des envahisseurs. Les indépendances qui laissaient entrevoir une citoyenneté commune ont trop souvent débouché sur des régimes autoritaires, avec lesquels les occidentaux se sont souvent compromis !
Regard sur l’actualité
La rapide mondialisation a renforcé le rejet de l’Occident au profit d’une islamisation grandissante des sociétés du Moyen-Orient, sous l’influence des Frères musulmans et du régime saoudien. Il s’en suit une marginalisation des chrétiens, même au Liban, et une émigration volontaire ou imposée de toute la région où les chrétiens sont confrontés, avec d’autres, à une situation difficile en Turquie et en Egypte, et catastrophique en Irak et en Syrie. Les interventions occidentales en Afghanistan et en Irak ont ouvert la voie à une radicalisation salafiste et à des courants jihadistes comme Al-Qaeda et Daesh.
La catastrophe humaine et culturelle de l’Irak, le mal nommé «printemps arabe » et la guerre civile en Syrie ont rendu les chrétiens d’Orient plus vulnérables que jamais, au point que leur survie, comme celle d’autres minorités, se trouvent menacée : drame des personnes blessées, déplacées, traumatisées, des communautés dispersées et des églises détruites. Est-il dès lors surprenant que la majorité des chrétiens syriens trouvent une relative sécurité sous le régime autoritaire mais laïque de Bachar Al-Assad, quelques soient ses crimes dans un contexte où la violence prévaut de toutes parts ? Aux chrétiens d’Occident de se mettre à l’écoute des témoignages et des appels des chrétiens d’Orient !