La guerre en Ukraine pourrait avoir pour effet d’accélérer l’élargissement de l’Union européenne vers l’Est. La Commission recommande d’accorder à la Bosnie-Herzégovine le statut de pays candidat, qu’ont reçu en juin l’Ukraine et la Moldavie. Et elle exhorte la Serbie à s’aligner sur la politique européenne de soutien à Kiev. Alors que des négociations viennent de s’ouvrir avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, les pays des Balkans occidentaux se rapprochent de l’adhésion.

Dans son rapport annuel sur l’état des négociations avec les pays candidats à l’entrée dans l’Union, la Commission examine la situation des six Etats de la région, qui progressent, chacun à son rythme, vers l’Union européenne. Comme chaque année, Bruxelles distribue les bons et les mauvais points, soulignant à la fois les retards pris par ces pays dans leur adaptation aux normes européennes et les quelques progrès qu’ils ont accomplis sur la voie des réformes. Mais au moment où la guerre fait rage à l’Est de l’Europe, une attention particulière est apportée aux relations de ces Etats avec la Russie et surtout à leur « alignement », plus ou moins affirmé, sur la politique européenne de soutien à l’Ukraine.

La question de l’élargissement de l’Union européenne vers l’Est revêt en effet une importance accrue dans le contexte de la guerre en Ukraine. La constitution d’un bloc européen face à la Russie passe par l’adhésion des pays des Balkans occidentaux, trente ans après le début des conflits sanglants qui les ont divisés dans les années 90. C’est pour assurer la stabilité de cette région prompte à s’embraser qu’a été mise en place la stratégie destinée à ancrer dans l’Europe les Etats de l’ex-Yougoslavie, ainsi que l’Albanie. La situation créée par Moscou rend plus nécessaire que jamais l’achèvement du processus en cours, en attendant que celui-ci s’étende, le moment venu, à l’Ukraine et à la Moldavie.

Les autorités européennes sont conscientes de l’urgence. « L’invasion brutale de l’Ukraine par la Russie renforce sensiblement l’importance de l’élargissement de l’UE, qui prend ainsi une nouvelle signification géopolitique, a déclaré le chef de la diplomatie européenne, l’Espagnol Josep Borrell. Il s’agit d’un investissement à long terme dans la paix, la prospérité et la stabilité pour notre continent ».

Le basculement de l’Europe

Le commissaire au voisinage et à l’élargissement, le Hongrois Oliver Varhélyi, tient à peu près le même langage. « La politique d’élargissement de l’Union européenne est un investissement géostratégique au service de la paix, de la stabilité, de la sécurité et de la croissance socio-économique de notre continent européen », a-t-il souligné, avant d’ajouter « Il est dans notre intérêt commun d’accélérer le processus d’intégration, à commencer par les Balkans occidentaux, où nous investissons depuis de nombreuses années pour les rapprocher de l’UE ». Là se joue en partie l’avenir de l’Europe.

Dans ces conditions, le rapport de 2022 sur l’élargissement s’intéresse au soutien qu’apportent, ou non, les pays candidats à la politique européenne envers l’Ukraine. La Commission se félicite que l’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord s’alignent pleinement sur les décisions et les déclarations de solidarité avec Kiev et sur les sanctions prises à l’égard de Moscou. Elle note que le Kosovo a promis d’accueillir jusqu’à cinq mille réfugiés « dans le contexte de la guerre de la Russie contre l’Ukraine ». Elle estime que la Bosnie-Herzégovine, à laquelle elle recommande par ailleurs d’attribuer le statut de pays candidat, a fait des progrès notables à cet égard, améliorant de 81% son alignement sur la politique de l’UE à l’égard de la Russie.

Le recul de la Serbie

En revanche, elle est sévère envers la Serbie. « La Serbie doit en priorité consentir des efforts supplémentaires en ce qui concerne son alignement sur la politique étrangère et de sécurité de l’UE, qui a considérablement diminué », affirme le rapport. Son taux d’alignement sur la politique européenne est tombé, selon la Commission, de 64% en 2021 à 45% en août 2022. « Un certain nombre d’actions et de déclarations serbes sont allés à l’encontre des positions de l’Union européenne », souligne-t-elle.

Alors l’ouverture, en juillet, des négociations avec l’Albanie et la Macédoine du Nord, l’encouragement donné à la Bosnie-Herzégovine, salué par le commissaire au voisinage et à l’élargissement comme une « occasion historique », confirme la volonté des Européens de donner un nouvel élan à la longue marche vers l’adhésion des pays des Balkans occidentaux. L’avertissement lancé à la Serbie émoigne de la même préoccupation : en critiquant ouvertement son attitude dans le conflit ukrainien, Bruxelles accentue ses pressions sur cet Etat pour qu’il se montre plus solidaire de l’UE.