Lundi 15 janvier 2024, 8 heures du matin, je décolle de l’aéroport de Lyon, avec un collègue et ami, pour le Sénégal. Mon retour est prévu pour le samedi 27 janvier. Douze jours pour aller dans trois prisons : Matam, Thiès, Tivaouane. Douze jours pour aller à la rencontre du peuple Peuls fixé dans le nord est du pays au bord de la frontière mauritanienne. Le fleuve Sénégal nous sépare de la Mauritanie.

Douze jours pour soutenir 3 missionnaires chrétiens et leur famille dans un pays majoritairement musulman. En effet, 96% de la population est musulmane, 3% chrétienne (recensement de 2022). Arrivé dans le Sahel, baigné dans l’Islam, je ne ressens cependant pas d’hostilité comme j’ai pu la ressentir au Niger ou en Ethiopie quelques années auparavant…

Arrivés à l’aéroport (entre Dakar et Thiès) un couple d’aumôniers sénégalais nous attend. Nous sommes accueillis chaleureusement (en température ambiante et en affection !). Il nous emmène chez eux à Thiès pour nous restaurer, nous rafraîchir, nous reposer. Demain, la route sera longue…

Après une nuit calme et silencieuse (surprenant en Afrique noire !) nous prenons la route, destination la ville de Matam, première prison des trois que nous visiterons. Il existe 37 prisons au Sénégal, 12 000 détenus… Nous ne verrons qu’une petite partie de la population carcérale pendant ce périple. Nous voyageons une grande partie de la journée pour parcourir les 450 kilomètres qui nous sépare de Matam.  Matam, 650 000 habitants, possède une Maison d’Arrêt et de Correction. Ils sont environ 200 détenus. Ce sont les missionnaires et nos hôtes aumôniers qui nous conduisent dans la prison. Nous sommes très bien accueillis par le directeur de l’établissement pénitentiaire qui nous invite à suivre le chef principal. Il nous emmène dans tous les secteurs de la prison : dortoirs, cuisine (à ciel ouvert) infirmerie, salle de formation. Nous prêchons dans toutes les cours de la prison, les détenus écoutent :  notre prêche est traduit en « pular »  (c’est la langue maternelle des ethnies peules et apparentées, on l’appelle aussi le fulfulde). Chaque détenu vient nous serrer la main avec un large sourire. Ensuite, les colis que nous avions confectionnés pour chaque détenus sont distribués. Ils contiennent : une brosse à dent, du dentifrice, un savon, de la lessive, un paquet de gâteaux. Des jeux de cartes sont distribués par groupe de 5 détenus, un jeu de dame et un ballon de foot. Nous distribuerons environ 475 colis répartis dans les trois prisons. Je comprends qu’une toute petite partie de la population carcérale bénéficiera d’un colis français.

Je ferai plusieurs constats pendant mon séjour dans les prisons sénégalaises.

Premier constat : les détenus sont heureux de recevoir la visite des blancs, je les sens touchés par notre présence. J’ai cependant le sentiment d’apporter peu de chose à cette population, le sentiment que je pourrais sans doute faire plus.

Deuxième constat : la bienveillance du personnel pénitentiaire. Evidemment, j’ai un regard assez rapide (quelques heures) sur la relation entre détenus et surveillants. Je vois cependant que les gardiens ont une autorité légitime tout en ayant de l’humanité envers ceux qu’ils gardent.

Troisième constat : les établissements ont le souci de l’enseignement, de la formation et des activités professionnelles pendant la durée d’exécution des peines. En effet, la majorité de la population sénégalaise est analphabète. Ils apprennent à écrire, à lire et à compter. La prison de Matam propose une formation professionnelle en menuiserie aluminium. Certaines fenêtres ont été fabriquées par les détenus.

Il existe (comme dans différents pays africains) des jardins cultivés par la population carcérale et qui lui permettent de se nourrir. J’ai ce sentiment, juste ou pas, qu’il y a plus d’activités dans les Maisons d’Arrêt africaines que dans celles de France.

Nous repartons au bout de quelques jours, à Thiès, là où nous avions atterri. Après une bonne nuit de sommeil (nuit toujours silencieuse et calme…), nous allons à la Maison d’Arrêt et de Correction de Thiès. Elle est située en ville, proche de l’université et de l’installation militaire. Elle est plus grande que la prison de Matam. Nous n’aurons pas l’autorisation de visiter l’établissement en entier. Nous rencontrerons quelques détenus (majeurs) chrétiens dans la cour, sous une toile de tente. Avec ce groupe d’environ 15 personnes, nous chanterons des cantiques, je prêcherai la Parole de Dieu. Plus tard, les colis seront distribués par les surveillants… Auparavant, nous irons dans le quartier mineur pour rencontrer ces jeunes désœuvrés parfois condamnés à de lourdes peines. Mon collègue et moi prêcherons la Parole de Dieu l’un à la suite de l’autre puis nous aurons la joie de distribuer les colis. Ils apprécieront les gourmandises inclues dans leurs sacs. La télévision commune à ce quartier était tombée en panne. Nos hôtes sénégalais ont réagi rapidement en trouvant les finances nécessaires et en allant acheter une nouvelle télévision  dans l’après-midi même. La CAN (Coupe Africaine des Nations) oblige ! ! Tous les adolescents ont pu suivre les matchs de football jusqu’à la finale.

La dernière prison visitée était celle de Tivaouane, petit établissement pénitentiaire. Nous pourrons le visiter entièrement et constater qu’il y a une politique de santé qui y est menée. En particulier la prévention contre le paludisme. J’ai vu, cependant, la préparation de poissons, nettoyés à l’air ambiant, en pleine chaleur, dans la cour, dans la poussière, qui me semble-t-il ne correspond pas exactement aux critères d’hygiènes pour une collectivité. Dans cette prison, malgré un accueil courtois, la visite a été relativement brève. La Bible n’a pas pu être partagée avec les occupants. La cheffe d’établissement ne nous autorise pas à distribuer les colis, elle s’en chargera elle-même… Depuis quelques années, bientôt dix années, je voyage en Afrique avec mon collègue et ami et je dois dire que ce voyage missionnaire a été de loin la plus belle des missions vécues jusqu’à présent. Nous projetons une nouvelle mission pour janvier 2025 qui nous conduira au Togo, Burkina Faso et Sénégal…