Les pays du Moyen Orient nourrissent régulièrement l’actualité à travers les nombreuses tensions géopolitiques, les conflits de différentes natures et les crises économiques qui secouent la région. Mais il est plus rarement question de l’impact du changement climatique et des problèmes environnementaux qui sont pourtant extrêmement préoccupants et participent déjà au bouleversement de la vie de millions de personnes.
Ces derniers mois, de gigantesques tempêtes de sable ont balayé l’Irak et l’Iran, paralysant les activités humaines et provoquant des milliers d’hospitalisations. Ces tempêtes sont de plus en plus fréquentes et continueront de s’intensifier. Elles sont un des révélateurs frappant de la gravité des transformations en cours.
Selon les analyses des organisations internationales, le Moyen-Orient est une des régions du monde les plus vulnérables à la crise climatique.
L’augmentation des températures moyennes y est plus forte qu’ailleurs et contribue à une série de phénomènes dramatiques : intensification des sécheresses et de la désertification, vagues de chaleur extrême, diminution des pluies et des ressources en eau, augmentation de la salinisation de l’eau douce, érosion des sols, baisse de la production agricole et de la biodiversité, insécurité alimentaire… L’impact de ces phénomènes est si important que certaines régions deviennent invivables et obligent des populations rurales à abandonner leurs terres et à migrer vers les villes où les attendent le chômage et la misère sociale dans des banlieues dénuées d’infrastructures. Cette migration, liée à une croissance démographique encore importante, contribue à l’urbanisation croissante de la région. Mais le développement des villes pose d’énormes soucis environnementaux comme l’augmentation des températures en milieu urbain, véritables « îlots de chaleur », et la pollution liée aux climatiseurs…
Climat, tensions géopolitiques et impact économique
Les effets de la crise climatique participent donc au développement des autres crises : économiques, sociales, sanitaires et politiques avec également un risque accru de conflits armés. Ainsi, parmi les facteurs explicatifs de la guerre en Syrie, plusieurs spécialistes soulignent le poids des cinq années de sécheresse qui ont précédé le déclenchement du conflit et qui ont plongé une partie importante de la population dans la pauvreté et le désespoir.
Malheureusement les épisodes de sécheresse continuent en Syrie et la raréfaction des ressources en eau devient un objet de chantage politique. La baisse des pluies hivernales en 2021 a amené une réduction drastique du débit de l’Euphrate et de ses affluents dans le Nord-Est de la Syrie. Mais ce débit est également contrôlé par la Turquie via ses nombreux barrages en amont du célèbre fleuve. La Turquie invoque ses propres besoins en eau et le fait qu’elle est elle-même touchée par le changement climatique. Cependant il est clair qu’elle utilise aussi.
L’Iraq au cœur du défi
Plus en aval, en Iraq, nous trouvons le même type de problématiques. Le débit des cours d’eau de l’ancienne Mésopotamie sont dix fois moins importants qu’il y a un siècle ! A côté de l’eau retenue par les barrages turcs sur l’Euphrate, des affluents du Tigre sont détournés par l’Iran pour ses propres besoins. Parmi les multiples conséquences du « stress hydrique » touchant l’ensemble de l’Iraq, il faut signaler la gravité des dommages détruisant les écosystèmes des fameux marais du sud du pays, plus grande zone humide du Moyen-Orient.
L’Iraq conjugue plusieurs décennies de conflits et de gouvernance difficile, une désorganisation sociale et une grande pauvreté, une concentration des menaces environnementales * et une économie de rente pétrolière et gazière qui le rend vulnérable aux aléas du marché. Dans ce contexte, le défi du réchauffement climatique semble d’autant plus difficile à relever.
Une prise de conscience
Cependant, la conscience des enjeux liés au réchauffement se développe au Moyen-Orient, que ce soit au niveau des associations locales ou des gouvernements. Signe de cette préoccupation, les prochaines conférences internationales sur le climat se tiendront en Egypte (COP 27 en 2022) et à Dubaï (COP 28 en 2023) tandis que des rencontres régionales tentent de promouvoir des coopérations interétatiques autour de l’action climatique.
Autres signes positifs, plusieurs pays anticipent leurs futurs besoins énergétiques et la nécessité de participer à la transition écologique en développant leur immense potentiel en matière d’énergie solaire et éolienne. Certains pays du Golfe producteurs de ressources fossiles ont aussi commencé à changer de modèle économique en diversifiant leurs investissements. De leur côté, les Églises du Moyen-Orient intègrent également les enjeux environnementaux à leur réflexion et action. On lira dans les pages qui suivent trois projets écologiques qui montrent comment des partenaires de l’ACO agissent à leurs niveaux.
*Lire l’article très instructif de Safaa Khalaf sur l’excellent site OrientXXI : « Irak. Sans eau nous n’avons pas de vie »