Munib Younan, un chrétien arabe marqué par le luthéranisme, est repéré dans la protestantisme pour avoir traduit en arabe le document clé de la Confession d’Augsbourg. L’homme est posé, bienveillant et décidé à la fois, quelque peu passionné dès lors qu’il est question de justice et de paix. C’est qu’il possède lui-même une carte de réfugié palestinien. Né en 1950 dans la vieille ville de Jérusalem où ses parents se sont exilés, chassés de leur maison de Beer-Sheva dans le sud d’Israël, il fréquente l’école et l’église Martin Luther de la ville sainte. « Nous étions pauvres et n’avions rien à manger, et ce sont les luthériens qui s’occupaient de nous, nous offraient des vêtements et du lait au chocolat comme nourriture. Sans l’Église luthérienne, aurais-je jamais eu une éducation? Serais-je devenu pasteur ? Serais-je évêque ? »

Et d’actualiser son propos aux réfugiés actuels, ceux à nos portes. « Vous, Églises en France, avez la même occasion aujourd’hui d’apporter un changement dans la vie de ces réfugiés. Je vous demande de ne pas vous contentez de juste les tolérer. Donnez-leur une éducation. Donnez-leur les moyens de se prendre en main. Aimez les. Donnez-leur les outils nécessaires pour rentrer un jour chez eux et construire de nouveaux États-nations où règnent les droits de l’homme, la liberté de parole, la liberté de religion. Donnez-leur de l’espérance… »

Marié et père de 3 enfants, Munib Younan a étudié la théologie chez les luthériens de Finlande. Depuis 1998, il est le troisième évêque luthérien de Jérusalem, en résidence dans l’imposante église du Rédempteur, à l’ombre de la basilique du Saint Sépulcre. 3000 fidèles recensés : des Palestiniens pour l’essentiel. « Nous sommes peu nombreux, mais notre influence est plus importante que notre nombre. Influence dans la société, mais aussi influence symbolique, pour maintenir une certaine diversité dans cette région… »

Les chrétiens du Proche-Orient ? Munib Younan insiste sur la difficulté pour ses frères et sœurs des Églises d’Occident de vraiment comprendre le point de vue des chrétiens arabes. Ceux-ci sont déçus à l’égard des campagnes d’aide lancées par des Églises et des organismes d’Églises occidentaux. « Nous sommes fatigués des discours. Nous voulons des actes. Travailler ensemble pour venir en aide aux chrétiens orientaux est pour nous un défi constant. Certaines initiatives occidentales visant à répondre à ce défi non seulement ne nous aident pas, mais nous font du tort. En ces temps de crise, nous avons eu l’impression que certains chrétiens occidentaux ont profité de l’occasion pour pré- senter les chrétiens arabes comme leurs enfants, nous traitant comme des damoiselles en détresse qu’il faut sauver de nos voisins musulmans, plutôt que de nous aider à rester dans notre pays. Car les chrétiens arabes ne veulent pas être évacués de leurs pays. Nous rejetons avec vigueur une telle attitude paternaliste et néocoloniale. »