Par Flávio Sofiati, sociologue brésilien

Le catholicisme dans le monde contemporain cherche à survivre dans une réalité où les pratiques de ses fidèles sont de moins en moins régulées par ses institutions. Cette institution a connu un déclin de son ancien monopole d’influence sur la société. Il faut reconnaître que l’Église catholique se trouve dans une situation de plus en plus critique pour maintenir la fidélité de ses membres, alors que de manière générale, les individus ont une liberté croissante face aux institutions religieuses. Cependant, il faut aussi reconnaître que l’institution catholique est dotée d’une capacité impressionnante à contrôler sa dissidence et à négocier des visions opposées en son sein.

Dans ce contexte, les « Chrétiens de la libération » seraient-ils responsables de la chute du catholicisme qui est apparu lors du dernier recensement au Brésil ? Nous estimons que non. Par exemple, les Communautés Ecclésiales de Base (unités locales des chrétiens de la Libération), bien qu’elles aient disparu des médias et ont de moins en moins de soutien institutionnel, sont encore vivantes, actives et se sont consolidées au Brésil.

Un effet « François » ?

Toutefois, les communautés du catholicisme socialement et politiquement critique, ainsi que les segments du catholicisme populaire traditionnel, pour des raisons et avec des intensités différentes, perdent plus qu’ils ne séduisent de nouveaux adeptes. Cependant, avec l’arrivée du pape François au Vatican, cette tendance du catholicisme au Brésil a peut-être été ravivée.

Un exemple est le cas des fidèles ayant participé aux Journées Mondiales de la Jeunesse au Brésil en 2013. On a découvert des jeunes catholiques moins individualistes et plus sociaux que ce à quoi le Pape s’attendait, compte tenu notamment des positions des évêques brésiliens. Les jeunes catholiques des Journées ne s’intéressent pas qu’à la spiritualité, ils défendent également un agenda social pour mettre fin à la pauvreté. Ces jeunes catholiques qui veulent transformer la société sont liés principalement aux Communautés Ecclésiales de base, historiquement considérées comme appartenant à l’aile progressiste. Elles contrastent avec une autre jeunesse, sur un positionnement plus spirituel et intime, liée à l’aile conservatrice.

Moins marxiste

En revanche, il nous semble que la clé d’interprétation marxiste, présente antérieurement, s’est en partie diluée. Cela s’est traduit par une disparition de l’idée de classe sociale, d’une interprétation de la réalité moins centrée sur la notion de classe sociale, dans les analyses les plus récentes de certains théologiens de la libération et dans la posture générale de la Théologie de la Libération. Cette évolution, est également observable chez de nombreux autres acteurs du catholicisme de la libération, notamment dans la jeunesse catholique.

Enfin, même si l’Église catholique brésilienne reste très présente aux côtés des mouvements sociaux, les groupes sympathisants des catholiques de la libération donnent de plus en plus la priorité à l’action à l’intérieur de l’institution catholique.

  • La théologie de la libération est née à partir de la fin des années 1960 en Amérique Latine, principalement en milieu catholique. Elle fait le lien entre la foi chrétienne, la situation des plus pauvres et une demande de justice qui doit déboucher sur des changements économiques et politiques structurels. Elle utilise la grille d’analyse marxiste mais surtout l’idée d’une théologie née d’un aller-retour permanent entre la Bible et la réalité sociale vécue par les milieux populaires. Elle est trés liée aux mouvements sociaux comme les sans-terre au Brésil.