Dans la Manche, au moins dix femmes et deux hommes sont morts noyés, mardi 3 septembre, après le naufrage d’une embarcation de 65 migrants. Il s’agit du bilan le plus lourd depuis un naufrage en novembre 2021. Peu avant 8h, mardi matin, un groupe de 80 migrants avait pris la mer depuis Wimereux, dans le Pas-de-Calais, afin de rejoindre les côtes britanniques. Un remorqueur de l’État, qui effectuait une mission de surveillance, a suivi l’embarcation et quinze personnes ont décidé de monter à son bord. Les 65 restantes ont poursuivi leur traversée, relate Le Monde. Selon le témoignage d’un pêcheur, les migrants étaient entassés sur le canot pneumatique. Moins de huit passagers portaient des gilets de sauvetage fournis par les passeurs, a indiqué le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Gérald Darmanin, qui s’est rendu à Boulogne-sur-Mer, mardi 3 septembre.

Le naufrage a fait 12 morts, deux disparus et plusieurs blessés, tandis que 51 personnes ont été sauvées. Les migrants étaient essentiellement de nationalité érythréenne et la moitié des victimes décédées étaient des mineurs. Après le drame, Gérald Darmanin a demandé à conclure un traité migratoire entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne, afin de "rétablir une relation migratoire classique avec notre ami et voisin", rapporte Le Monde. Selon lui, le Royaume-Uni reste plus attractif que la France car il est possible d’y travailler sans papier. Les autorités britanniques ont compté un nombre sans précédent de traversées illégales de la Manche vers le Royaume-Uni au premier semestre 2024. Depuis le mois de janvier, elles ont recensé 21 615 migrants venus par la mer. Avec le verrouillage croissant du tunnel sous la Manche, les traversées en canots pneumatiques se multiplient. Les embarcations de fortune sont de plus en plus présentes depuis le début de l’été et les drames se succèdent. Entre le 12 et le 19 juillet, six migrants sont morts dans trois naufrages distincts.

Plus de 20 000 migrants ont rejoint l’Angleterre depuis le début de l’année

Citée par Le Monde, Charlotte Kwantes, de l’association d’aide aux migrants Utopia 56, a dénoncé la politique de "répression policière" sur le littoral français qui "conduit à des incidents et à des drames (…) à répétition". Le 29 août, l’association Utopia 56 a publié un communiqué indiquant que plus de 20 000 personnes avaient réussi à rejoindre l’Angleterre par la Manche depuis le début de l’année 2024. L’association dénombrait la mort d’au moins 23 migrants, auxquelles s’ajoutent les 12 morts du 3 septembre. Utopia 56 assure que la présence policière et la surveillance accrue dans la Manche ont "contraint les personnes exilées à prendre davantage de risques […] entraînant ainsi une hausse des incidents mortels". Ces risques se manifestent de deux façons. D’une part, les migrants s’éloignent des points de départ habituels pour ne pas être arrêtés par la gendarmerie ou la police. Les bateaux doivent parfois parcourir une distance trois fois supérieure à celle comprise entre Calais et le Royaume-Uni, ce qui accroît les risques de chavirer. D’autre part, le nombre de personnes par embarcation augmente. L’association relève que la moyenne des passagers est passée de 45 en 2023, à 51 en 2024 avec des pics de plus de 80 personnes par bateau.

"Dans la crainte d’une intervention policière, les personnes partent dans la précipitation, sur des embarcations partiellement montées", ajoute Utopia 56. Entre janvier et août 2024, le nombre de personnes secourues en mer a ainsi augmenté de 39% par rapport à 2023, avec 3261 personnes secourues. Les mois de juillet et août 2024, marqués par une présence policière accrue, ont compté cinq incidents mortels, qui ont entraîné la mort d’au moins neuf migrants. Entre janvier et août 2024, onze incidents mortels ont été recensés, contre un seul durant la même période en 2023. L’association demande de "privilégier des solutions humaines et durables" et de "repenser les stratégies répressives".