En Tunisie, l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) a verrouillé la course à la présidentielle tunisienne, en validant trois candidats pour l’élection dont le premier tour est prévu le 6 octobre. Les trois candidats sont Kaïs Saïed, l’ex-député et chef d’un petit parti Ayachi Zammel et Zouhair Maghzaoui, un ancien député, leader du Mouvement du peuple. Son parti avait soutenu le président lorsqu’il s’était arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet 2021. Farouk Bouasker, président de l’ISIE, a ainsi validé ces trois candidatures, écartant les candidats qui avaient été réintégrés par le tribunal administratif de Tunis, indique Le Monde.

Fin août, Abdellatif Mekki, ancien ministre affilié au parti islamo-conservateur Ennahda, avait été réintégré par le tribunal administratif de Tunis, tout comme Imed Daïmi, vice-président du Hizb El-Harak et l’ancien ministre Mondher Zenaïdi, considéré comme un concurrent du président Kaïs Saïed. Ces réintégrations avaient pourtant été considérées comme définitives, mais le président de l’ISIE a indiqué que son instance était la seule constitutionnellement compétente pour organiser le processus électoral. "C’est un deuxième coup d’État, après celui du 25 juillet 2021. Ces élections ne sont pas de véritables élections, ce sont des procédures de consolidation du pouvoir autoritaire", a déploré Sana Ben Achour, professeure de droit public interrogée par Le Monde. Samedi 31 août, 26 ONG tunisiennes et internationales, ainsi que 200 personnalités, parmi lesquelles plusieurs juristes, avaient demandé à l’ISIE de respecter les décisions du Tribunal administratif, en soulignant qu’elles étaient "exécutoires et ne pouvaient pas être contestées", rapporte France 24.

Une élection qui semble verrouillée

Plusieurs adversaires du président tunisien n’ont pas pu déposer de candidature. Pour constituer un dossier, l’ISIE demandait un extrait de casier judiciaire vierge pour prouver l’absence de condamnation, mais le ministère de l’Intérieur a refusé de le fournir à plusieurs candidats. L’ONG Human Rights Watch avait dénoncé l’emprisonnement ou les poursuites contre "au moins huit candidats" qui ont été empêchés de candidater pour l’élection en Tunisie. Cette nouvelle décision de l’ISIE renforce le sentiment d’une élection verrouillée. "Saïed a un boulevard devant lui […] les candidats qui pouvaient gêner Saïed viennent d’être écartés" a indiqué à l’AFP le politologue Hatem Nafti, cité par France 24.

De son côté, Isabelle Werenfels, politologue à l’institut allemand SWP, anticipe que "l’administration ou une partie de la justice sous influence du président vont faire obstacle aux campagnes de ses deux concurrents". L’un d’entre eux, Ayachi Zammel a été interpellé et placé en garde à vue pour 48 heures, lundi 2 septembre. L’autre candidat, Zouhair Maghzaoui, qui avait soutenu le coup de force du 25 juillet 2021, est considéré comme un "candidat de l’intérieur du régime" par le politologue Hatem Nafti. Houssem Hami, coordinateur de la coalition de citoyens Soumoud, estime que "l’élection deviendra une pure formalité" avec ces trois candidats.