Comment gérer l’afflux de réfugiés quand les opinions publiques se montrent hostiles à l’arrivée de « la misère du monde » ?
Précision lexicale d’abord : un demandeur d’asile est une personne qui dit être un(e) réfugié (e) mais dont la demande est en cours d’examen ; le réfugié, lui, est protégé par un statut juridique alors que le migrant n’en a aucun. Longtemps, notre pays a été considéré comme une « terre d’asile », à cause de la Constitution de 1793 : « Le peuple français (…) donne asile aux étrangers bannis de leur patrie pour la cause de la liberté. » (Art. 118 et 120. Propos réaffirmé par l’article 53-1 de l’actuelle Constitution). Mais, quand on parle de réfugiés, le texte de référence reste la Convention de Genève (1951) : est réfugiée « toute personne qui (…), craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors de pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ». Le réfugié ne peut être refoulé (art. 33) et peut bénéficier d’un titre de séjour de dix ans. En 2003, une protection supplémentaire a été mise en place. Elle concerne les personnes risquant dans leur pays la peine de mort, menacées de traitements inhumains ou dégradants, ou vivant dans une situation de violence généralisée. Cette protection accorde un titre de séjour d’un an, renouvelable. Des dispositions reprises par le Code de l’entrée du séjour des étrangers et du droit d’asile de 2005.
Un tout sécuritaire
La réponse sécuritaire européenne au problème des réfugiés ne date pas d’hier. « Depuis quinze ans, une approche exclusivement sécuritaire oriente les politiques migratoires européennes mêlant politique restrictive de délivrance des visas, construction de murs et de clôtures, contrôle militarisé des frontières terrestres et maritimes par l’agence Frontex et renvoi forcé dans les pays d’origine », dénonce l’observatoire des frontières, Migreurop. Si l’objectif fixé reste d’accueillir ceux qui sont parvenus sur le sol européen (Syriens, Kurdes, Erythréens ou Soudanais), que faire de ceux qui n’arrivent pas forcément de lieux de conflits armés comme l’Afrique subsaharienne, le Maghreb ou de l’est de l’Europe ? Ces migrants « économiques », qui ne sont protégés par aucun statut particulier ont malgré tout des droits : celui d’être secourus et traités dans leur dignité d’êtres humains.
Catégorisations troubles
Les discours politique et médiatique jouent du distinguo entre les demandeurs d’asile et les migrants économiques, des personnes pourtant doublement- concernées par un danger de mort imminent et l’impossibilité de travailler dans leur pays d’origine. On ne peut pas non plus ignorer l’exploitation d’une main d’œuvre à bon marché qui travaille dans les conditions indignes, quand cette dernière n’est pas réduite en esclavage (pays du Golfe, Mauritanie, etc.). Le plus dramatique reste ces discours qui dévoilent une vision du monde binaire et appuient cette politique de rejet : il y aurait d’un côté les bons réfugiés (de préférence chrétiens) qui méritent notre secours et les autres, soupçonnés de vouloir en profiter. Qui parle des décisions politiques à prendre pour que ces gens ne fuient plus leur pays, leurs terres ? Qui dénonce les conditions d’accueil de tous ces réfugiés sur notre sol, si ce ne sont les ONG et les bonnes volontés individuelles ?
Article également paru dans le mensuel Le Cep