Vous avez été consacrée pasteure du Synode national évangélique de Syrie et du Liban en février dernier. Un événement historique pour vous ?
Rola Sleiman : La consécration me donne le droit de célébrer les sacrements et le mariage. C’est donc avant tout un avantage pratique. J’exerce depuis huit ans à l’église nationale évangélique presbytérienne de Tripoli. Je ne m’attendais donc pas à un réel changement, qui fut pourtant bien réel ! Le soutien de mon église, du Synode et de mes collègues est un signe d’encouragement. C’est comme si Dieu avait scellé officiellement mon ministère.
Quel signal envoyez-vous en tant que première femme arabe pasteure ?
Cela dépasse ma personne. C’est le signe d’une Eglise qui est à l’image de notre Seigneur : Jésus-Christ croit en l’égalité, l’acceptation et la justice. Ma consécration est un espoir et un élan pour toutes les femmes et les chrétiens du Moyen-Orient.
Quel est le quotidien d’une pasteure à Tripoli ?
Les tâches paroissiales et l’accompagnement des membres de l’Eglise sont ma priorité. Je fais des visites et je prêche. J’anime des études bibliques et j’organise des rencontres de femmes. J’enseigne aussi l’éthique à l’église évangélique de Tripoli.
En juin, vous participerez au Forum international R500 en Suisse, pour échanger sur le protestantisme. De quels aspects particuliers de la Réforme s’inspire votre Eglise ?
Nous sommes les petits enfants de la Réforme. Notre Eglise est presbytérienne, la théologie y est calviniste. Etre une Eglise synodale et évangélique en Syrie et au Liban, c’est être héritier direct de la Réforme. Par exemple, nous croyons en l’éducation. Les missionnaires presbytériens ont construit des écoles et des universités qui sont encore aujourd’hui les plus réputées du Liban. Notre église de Tripoli est une église aimante, ouverte et pacifique.
Après les conflits subits entre 2011 et 2014, Tripoli est une ville en convalescence, qui a vu arriver bon nombre de réfugiés.
Nous sommes habitués à vivre dans une zone d’altercations. Il y a peu, nous avons démarré un ministère qui s’apparente à un service social et éducatif, sous la supervision du Synode. Nous apportons enseignement et éducation aux enfants syriens réfugiés. Nous leur enseignons l’arabe, l’anglais et les mathématiques.
Vous sentez-vous menacée en tant que pasteure, à la fois chrétienne et syrienne ?
Non. Au contraire, je me sens acceptée et protégée dans mon Eglise. Mais de façon générale, les chrétiens sentent leur existence menacée. Depuis de nombreuses années, la jeunesse et les intellectuels musulmans et chrétiens quittent le Moyen-Orient pour trouver, à l’ouest, une vie meilleure. En tant que minorité, nous sommes directement affectés par cette migration.
Dans ce contexte, quel est le message d’une Eglise protestante ?
Il est crucial de planter des graines d’amour, d’acceptation et de non-violence dans une région déchirée par la violence et la haine. En tant que chrétiens, nous avons un rôle essentiel à jouer. Nous avons besoin de refléter la vraie image de Jésus. Avec ma consécration, un message fort est envoyé aux différentes Eglises et à la population libanaise. Celui d’un Dieu qui est juste et amour, pour qui les hommes et les femmes sont égaux.
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Edition Genève du mois de Juin 2017