Depuis le 29 juillet, le gouvernement rwandais a fermé plus de 5 600 lieux de culte, en majorité des églises pentecôtistes. Mercredi 28 août, le gouvernement a interdit les activités de 43 groupes religieux dans tout le pays. Après avoir été réélu le 15 juillet, Paul Kagame, président du Rwanda, a durci le ton contre les pasteurs "fraudeurs". Certains députés ont été chargés de mettre fin au désordre dans l’espace confessionnel juste après la cérémonie de prestation de serment du Premier ministre, Édouard Ngirente, et des nouveaux membres du Parlement, le 14 août, indique L’Opinion. En 2018, 700 lieux de culte avaient déjà été fermés par le président et un nouveau texte imposant aux associations cultuelles de fonctionner "de manière organisée et dans un environnement sûr" avait été adopté.

Avec la loi en vigueur, les prédicateurs doivent avoir une formation théologique avant de fonder une Église, ce qui n’est pas le cas de nombreux pasteurs autoproclamés à la tête d’Églises de réveil. L’État leur avait donné cinq ans pour respecter la loi. Comme dans toute l’Afrique, le nombre d’Églises de réveil augmente au Rwanda. Elles attireraient plus de 21% des 14 millions d’habitants, quand 40% fréquentent les églises catholiques. L’Église catholique a été accusée de ne pas avoir protégé l’ethnie tutsie, car elle était proche du pouvoir hutu, ce qui a favorisé, au lendemain du génocide, l’installation d’Églises du réveil. Elles ont été renforcées par le retour de Tutsi qui avaient fui les massacres dans des pays voisins comme l’Ouganda et la République démocratique du Congo. Dans ce pays, le ministère de la Justice a annoncé, en juin, une réforme pour mieux contrôler l’explosion du nombre des Églises de réveil en RD-Congo. Dans le pays, le nombre d’églises est passé de 12 500 en 2015 à plus de 42 300 en 2022, indique La Croix. Le ministère de la Justice a affirmé vouloir "assainir le secteur des Églises afin de préserver l’ordre public".

Le pouvoir craint des dérives sectaires

Ainsi, le Rwanda n’est pas le seul à vouloir réguler les Églises de réveil. "Paul Kagame préfère la structure pyramidale de l’Église catholique […] aux églises pentecôtistes qui sont aux mains de pasteurs autoproclamés incontrôlables prônant le jeûne et les guérisons miraculeuses à travers une religiosité portée sur l’émotion", assure un connaisseur du Rwanda dans les colonnes de L’Opinion. Le président a encouragé les habitants à investir dans l’économie du pays plutôt que de faire des dons aux Églises du réveil.

Selon Usta Kaitesi, directeur général du Rwanda Governance Board (RGB), organe chargé du contrôle des activités religieuses, les lieux de culte fermés ne répondaient pas aux normes d’hygiène et de sécurité adéquates. Le pouvoir craint des dérives sectaires favorisées par le retrait dans des zones isolées, le jeûne extrême et des enseignements dangereux pour la vie humaine. D’après un chercheur, ces églises de réveil peuvent avoir "un effet abêtissant sur leurs fidèles les plus vulnérables". Au Kenya, le pasteur autoproclamé Paul Nthenge Mackenzie et des dizaines d’autres personnes sont poursuivis pour "homicides involontaires" après la découverte d’au moins 448 corps à Shakahola en 2023. Le pasteur est accusé d’avoir incité ses adeptes à jeûner jusqu’à la mort pour "rencontrer Jésus", rappelle Le Monde.