En Egypte, la présence protestante est importante à plus d’un point de vue. D’abord, sur le plan numérique, puisqu’ils seraient entre 1 et 2 M (sur environ 10 M de chrétiens et près de 100 M d’habitants – le blog de l’universitaire S. Fath parle de 400000 dans un article daté de 2012. Mais aussi sur le plan de leur présence dans la société. Contrairement à l’église copte orthodoxe, tentée de se regrouper dans des ghettos coptes, où l’on vit entre chrétiens en se protégeant de la majorité musulmane, les protestants – et les catholiques, autre minorité chrétienne – voient leur mission dans un travail qui accueille indifféremment tous les citoyens égyptiens. C’est l’un des enjeux, régulièrement souligné en Orient: que la citoyenneté soit indépendante de la religion d’appartenance ! Gérer des hôpitaux, des écoles, des centres pour l’accueil de personnes handicapées a aussi un but de témoignage évangélique dans un milieu musulman.
Des paroisses au dynamisme impressionnant
La situation entre chrétiens a évolué depuis l’élection du Pape Tawadros II en 2012. Les relations avec le protestantisme sont devenues plus chaleureuses que sous son prédécesseur, le Pape Chenouda. Lors du 500e anniversaire de la Réformation, en novembre 2017, une importante rencontre a eu lieu entre le pape Tawadros II et la délégation protestante internationale réunie au Caire. Néanmoins, la non-reconnaissance du baptême catholique ou protestant par l’Eglise orthodoxe reste un problème !
Il existe un équivalent égyptien à la Fédération Protestante de France, en anglais protestant churches in Egypt. Son président est depuis 2015 le pasteur et docteur Andrea Zaki Stephanos. Cette Fédération est pour l’essentiel chargée de maintenir de bonnes relations entre les 16 églises protestantes officiellement reconnues et le gouvernement. Elle fournit les attestations de la légalité des cultes, directement liée à la possession d’un bâtiment cultuel. Les Eglises formées d’expatriés (anglaises, américaines, coréennes, soudanaises, francophones, germanophones…) doivent se placer sous le «parapluie » d’une Eglise officiellement reconnue.
La plus importante Eglise Protestante est le Synode du Nil, aussi appelée église presbytérienne d’Egypte. Membre du Conseil Œcuménique des églises, de la Communion Réformée Mondiale, de la FMEEC (Fellowship of Middle East Evangelical Churches) et de la MECC / CEMO (Conseil des Eglises du Moyen Orient), elle compte, d’après le COE, 314 paroisses, 234 pasteurs en activité, et 250000 membres.
Lors du printemps arabe, beaucoup de paroisses et d’hôpitaux dépendant du Synode du Nil ont joué un rôle très positif, accueillant des manifestants fuyant devant la police, soignant les blessés… Ces paroisses font preuve d’un dynamisme impressionnant, les bâtiments sont modernes et ne manquent pas d’allure. Malgré le titre « synodal », la mentalité de cette Eglise est congrégationaliste, la vie synodale se passant dans les 7 régions appelées presbyteries. L’un des enjeux est le ministère féminin, pour l’heure pas encore pratiqué, mais officiellement accepté dans l’une des régions. Des forces vives de l’église travaillent à d’avantage centraliser l’organisation, le Synode dispose maintenant d’un bureau au Caire et d’un Secrétaire Général, le pasteur Refat Fathy. Le Synode a un département missionnaire, qui gère des postes pour des protestants égyptiens en Hollande, Suisse, Allemagne, France… et qui accompagne les communautés protestantes d’expatriés, notamment soudanaises en Egypte même, en leur fournissant une couverture légale et en payant un peu les pasteurs soudanais. Ce bureau central gère aussi le système scolaire mis en place par les protestants dans le pays, dont fait partie le New Ramses College au Caire où travaillent des envoyé(e)s ACO. La maison d’accueil de jeunes fille Fowler, où l’ACO envoie d’autres volontaires, dépend d’une paroisse de ce synode.
Une modeste présence protestante francophone
On retrouve Andrea Zaki à la tête d’une grande ONG égyptienne appelée Coptic Evangelical Organization for Social Services, CEOSS [http://en.ceoss-eg. org ], comptant près de 3000 collaborateurs et de l’ordre de 2 M de bénéficiaires ! Il intervient au bénéfice de la société égyptienne dans de nombreux domaines : micro-crédits, aides aux pêcheurs, aides à l’agriculture, aides médicales, formations, soutien à l’économie durable sont autant de domaines qu’il traite. Il est présent sur le champ du dialogue interreligieux, et sur le champ de la résolution non-violente de conflits. En Egypte, ces deux domaines sont imbriqués pour le meilleur et le pire ! Car si les extrémistes religieux de tous bords sont facteurs de troubles, d’attentats, de discriminations, les modérés et éduqués parmi les clergés chrétiens et musulmans peuvent être très concrètement facteurs de paix, de réconciliation et d’avancées significatives dans le domaine des droits de l’homme… et de la femme ! L’ACO soutient deux programmes CEOSS: des formations à la résolution non-violente de conflits et la traduction de livres théologiques français en arabe, ce qui est possible grâce à Dar El Thaqafa, une maison d’édition chrétienne, filiale du CEOSS.
Il faut encore mentionner d’autres institutions : la Faculté de Théologie, Evangelical Theological Seminary of Cairo, ETSC. Cette faculté moderne est richement dotée d’équipements actuels et accueille de grandes promotions d’étudiants. Les cours sont en arabe et en anglais et s’adressent à tout le protestantisme arabophone. Des cours décentralisés sont organisés à Alexandrie. Et des sessions de formation par e-learning (cours par internet) permettent de toucher des étudiants dans toute l’Afrique du Nord, où, à part l’institut marocain Al Mowafaqa, il n’y a guère de formation de théologie protestante. Entièrement dans des mains égyptiennes, ETSC accueille aussi des enseignants américains et hollandais. La Société Biblique d’Egypte [http://www.bsoe.org ] sous la direction de Ramez Attalah exerce une influence transversale dans toute la chrétienté égyptienne.
Enfin, n’oublions pas cette présence modeste de l’église évangélique du Caire et de l’église Protestante d’Alexandrie, qui permettent une présence francophone dans le monde chrétien de l’Egypte. Ces paroisses, formées surtout de ressortissants d’Afrique sub-saharienne, sont fragiles. La présence d’un pasteur, envoyé et payé par l’ACO France et l’ACO Suisse, cependant permet de stabiliser et d’asseoir ces relations dans la durée.